1. La survivante


    Datte: 08/05/2019, Catégories: fh, mélo, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... rejoindre. Était-ce un ange, témoin de son martyr, qui l’avait prise en pitié ? Où était-ce Piotr, qui l’appelait depuis le royaume des cieux ?
    
    Tout au fond de sa conscience, une femme croassait :« la radio … tu dois … répondre … espèce de … conne ! ». Mais elle était trop épuisée pour continuer d’écouter cette folle. Elle allait fermer les yeux à présent, laisser le sommeil l’emporter. Une torpeur glacée l’enveloppait déjà dans son long manteau d’onyx. Quand elle se serait reposée, elle aurait peut-être assez de force pour s’adresser à son tour à la voix. Oui, quand elle aurait dormi. Plus tard.
    
    Elle sentit qu’on caressait son visage. Dans un effort surhumain, elle descella les paupières, espérant voir l’ange à la voix mélodieuse. Mais c’était un squelette tenant un couteau qui se penchait sur elle. Il approcha son crâne ricanant et lui réclama un baiser.Un bon vieux french-kiss des familles… rien qu’un, promis-juré ! lui susurra-t-il. Entre les chicots noircis coulissait une langue putride, grouillante d’asticots. Les yeux exorbités, Eva essaya de se soustraire à cette horreur. Des serres implacables maintenaient sa tête, des ongles crochus s’incrustaient dans sa chair, déchirant ses joues dépulpées. Juste à côté d’elle, quelqu’un se mit à hurler.
    
    — Eva ? Vous m’entendez, Eva ? Répondez, bon dieu !
    
    Affalé dans le vieux fauteuil du salon, une bouteille d’eau minérale à la main, j’observais mon vélo d’appartement sans vraiment le voir. Je suais à grosses ...
    ... gouttes, encore pantelant après ma longue course. J’avais pédalé comme un forcené, mais aucun tunnel ondoyant ne m’avait emporté vers mon univers onirique. Trop de pensées obsédantes plombaient mon esprit. Machinalement, je portai la bouteille entamée à mes lèvres et la vidai en quelques gorgées. Je n’arrivais pas à me sortir Eva Clarinsky de la tête. Eva et ses appels au secours, qui résonnaient en boucle comme autant d’accusations.
    
    Quand je fermais les yeux, les visages de ma femme et de ma fille s’imposaient à moi avec une acuité douloureuse. La situation présente me ramenait à ce jour maudit où je n’avais pas su persuader Élodie de revenir avant qu’il ne soit trop tard… Et pour Eva, était-il aussi trop tard ? Un mauvais pressentiment me tordait les boyaux.
    
    En admettant qu’elle fut encore en vie, que pouvais-je réellement faire pour elle ? L’hôpital Albert Chenevier se trouvait à au moins six bons kilomètres de l’abri des Keller. Même équipé d’une combinaison antiradiation, c’était du suicide que de vouloir s’y rendre à pied. D’après les relevés les plus récents, le niveau de radioactivité était encore au-dessus des doses tolérables, comme en témoignait l’alerte toujours en vigueur dans le sas de décontamination. Et à propos du sas, il y avait aussi cette question à trancher : pourrais-je vraiment déverrouiller la porte qui en scellait le seuil ?
    
    — Bon, d’accord… pour ça, il y a peut-être un moyen, finis-je par admettre.
    
    Durant mes premiers mois sous terre, j’avais ...
«12...789...20»