1. La survivante


    Datte: 08/05/2019, Catégories: fh, mélo, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... fois, avant de changer de canal. J’arrachai mon casque en jurant. Ce que j’avais pris pour un contact avec les secours tant espérés n’était en fait qu’une messagerie automatique, qui tournait en boucle depuis… combien de temps ? Incertain, je scrutai l’horloge du salon. Depuis plus d’un mois !
    
    — Ah ! Ah ! Ah ! Tu croyais quoi, pauvre con ? Qu’on allait t’envoyer les pompiers ? L’armée ?
    
    Le monde que j’avais connu était mort et enterré. Il fallait que je me mette ça dans le crâne une bonne fois pour toutes ! J’inspirai longuement, plusieurs fois. Soufflée aussi brusquement qu’une flamme, ma frustration s’éteignit d’elle-même.
    
    Je repensai à ce que je venais d’entendre. J’allais essayer de contacter cette Eva machin-chose au petit matin, dans approximativement trois heures – en espérant qu’elle soit encore en vie, ce qui restait à prouver. J’esquissai un sourire nostalgique. Les « heures », les « dates »… des habitudes du passé, qui me semblaient à présent presque irréelles. Quand on vit sous terre depuis si longtemps, à quoi bon caler son rythme sur des mouvements d’aiguilles.
    
    Les questions commençaient à se bousculer sous mon crâne. La fille avait parlé de l’hôpital Chenevier, à Créteil. L’endroit était à un jet de pierre du centre commercial où Élodie s’était rendue avec Manon, le jour où… le jour où le monde avait changé. Pourquoi ne s’y seraient-elles pas réfugiées, au lieu de rejoindre le métro ? Et si l’abri de l’hôpital était assez grand, il se pouvait que… ...
    ... Quoi ? Qu’elles y fussent aussi ? Je me sermonnai vertement. J’étais en train d’élucubrer. La « pensée magique » ne suffirait pas à me les ramener. L’espoir devait être manié avec précaution. Sous peine de faire plus de mal que de bien.
    
    De toute façon, le message de la fille semblait impliquer qu’elle était seule. Pourtant, au moment où… où tout cela était arrivé, ils devaient être nombreux dans l’abri. Alors pourquoi ne parlait-elle pas des autres ? Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ?
    
    Puis je songeai à la note de désespoir dans cet appel à l’aide. La fille n’avait pas donné de détails, mais sa situation semblait déjà critique il y a un mois. Y avait-il la moindre chance pour qu’elle réponde, quand je tenterai de la contacter tout à l’heure ? Je n’imaginais que trop bien l’écho lugubre de ma propre voix, se répercutant sur les murs d’un abri-mausolée, jonché de cadavres pourrissants.
    
    J’essayais de me représenter les lieux. Probablement une cave utilisée durant les bombardements Allemands, réhabilitée en abri antiatomique au plus fort de la guerre froide, avec les maigres budgets que l’assistance publique avait pu consacrer à ce genre de lubies. Je supposais que l’endroit devait être équipé chichement, à peine chauffé, encombré de paperasses oubliées et d’archives séculaires. Une crypte sinistre, guère plus qu’un dortoir aménagé, où le summum du luxe devait être de pouvoir se laver et aller au petit coin avec un minimum d’intimité. Rien à voir avec les prestations ...
«12...456...20»