1. Les bonnes manières selon Brodsky


    Datte: 08/05/2019, Catégories: Humour grossexe, nonéro, exercice, perles, revebebe, Auteur: Brodsky, Source: Revebebe

    En 1965, Tonton Fred (celui qu’on surnommait « Dard de Ville », rapport à son habitude de poinçonner toutes les greluches perchées sur 16 cm de talons qui passaient à sa portée), Tonton Fred donc, écrivait« Le standinge selon Bérurier » qui manqua le Goncourt de seulement 15 voix, et le Nobel de juste 15 ans, mais qui fut, reste et restera en ce qui concerne l’apprentissage des bonnes manières ce que le petit futon est à l’apprentissage de la galipette coquine dans les espaces réduits.
    
    C’était il y a plus de cinquante ans… et le monde a changé. Les bonnes manières sont devenues désuètes en ces temps de productivité effrénée. Désuètes, voire ringardes, voire ridicules, voire quasiment des aveux de faiblesse.
    
    Il fut un temps où, par exemple, les écrivains qui se détestaient se flinguaient avec talent. Ça défouraillait grave à laRemington, et souvent on retrouvait la victime étendue sur la chaussée, baignant dans son sang ou noyée dans un étang avec l’ancre de ses vieux attachée à la cheville. Quelques exemples :
    
    « Quel homme aurait été Balzac s’il eût su écrire » (Flaubert)
    
    On notera ici le « eût su » qui donne à cette vacherie haut de gamme un brillant littéraire absolument fabuleux.
    
    « Mallarmé, intraduisible, même en français » (Jules Renard)
    
    « Proust, un poète persan dans une loge de concierge » (Maurice Barrès)
    
    Ah, mes zamours, y a pas photo… En ce temps-là, la vie était plus belle, et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui. Les intellos avaient des ...
    ... idées, les philosophes avaient de la philosophie, les prostituées savaient faire l’amour en français, les comédiens savaient leurs rôles par cœur. C’était le temps béni de la rengaine, c’était le temps où les chanteurs avaient de la voix, où les parlementaires parlementaient, où les concierges étaient dans l’escalier, et où les écrivains s’étripaient entre eux avec talent.
    
    Parce que le talent, mes zamours, foi de Brodsky, ça excuse tout !
    
    Depuis que j’écris comme je pense (quand d’autres pensent comme ils font caca, voire font juste caca sans penser), j’ai eu le temps, la chance et l’honneur de me faire détester par tout ce que le (de plus en plus) petit monde des lettres compte de glands, d’imbéciles, de culs bénis, de démocrates chrétiens, de chrétiens pas démocrates, de critiques rêvant d’écrire, d’écrivains devenus critiques, d’écrivains qui n’écrivent pas, d’écrivains spécialistes en écrits vains, et parfois – il faut bien le reconnaître – de types talentueux, maniant l’acide et l’acerbe comme je manie le cidre et le Serbe, c’est à dire façon nitroglycérine destinée à me faire exploser, de rire souvent, de rage parfois…
    
    S’ensuivent habituellement de grands et beaux duels où, la plume dans une main (voire au pied pour certains), on se tape sur la tronche à coups de bons mots, de gros mots, de jeux de mots, de mots laids, de mots anciens, de mots inventés, de mots passés de mode jusqu’à finir par retrouver, toi et moi, lecteur adoré, des plaisirs démodés. Ton cœur ...
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