L'escalier d'Escher - Histoires de Sexe

L'escalier d'Escher

... avais trois.
— Tu étais rigolote, à l’époque. Tu mélangeais le Danois et le Français : c’était mignon.
— Oui, bon. Au moins, j’ai pas gardé d’accent !

Val lui tire la langue.

— Si je te l’attrape, je te la mange ! lui répond Karl en tendant la main comme une serre vers elle.

C’est apparemment un sketch récurrent entre les deux.

— Claire doit s’impatienter, souligne Chloé.
— Exact, Chloé. Bien. Euh, j’en étais où ? Karl t’a retrouvée dans la neige. Un coup de bol : les piques ont touché la baignoire ; les secouristes ont cru que c’était juste un rocher. Mais Karl a eu une intuition. Et on t’a retrouvée dessous. Dans ta tenue préférée, si je ne m’abuse !

Je fais les gros yeux à Val ! Chloé camoufle son rire avec une serviette. Karl se met aux abonnés absents. Quand Chloé reprend son souffle, elle m’enfonce davantage.

— On connaît tous les nouveaux penchants de Claire, Val. C’est pas la peine d’en rajouter, surtout dans ta tenue. En tout cas, vous faites honneur à mes créations, dit Chloé en ramassant le string que j’avais oublié sur la chaise de Val.

« Tiens, « tulipe » : je l’ai pas encore utilisé, ce mot là, pour décrire ma couleur. Concentrons-nous sur les tulipes. » Val reprend, nullement gênée :

— Je passe rapidement sur les années suivantes. Mais sache que Karl t’a toujours surveillée, de loin. Et en tout bien tout honneur. Il savait que j’étais une de tes amies et… disons que Karl est très sensible. Il a bien compris que mon intérêt pour toi ...

... dépassait un peu la simple amitié. Alors, avec l’appui de son père, il t’a aidée en sous-main vis-à-vis de la Justice. Ton émancipation, tout ça. Notre famille a jugé que ce que proposait la Justice à ton égard n’était pas franchement l’idéal. On savait que t’étais forte à l’intérieur.

Sous la table, la main de Chloé a pris la mienne ; elle me la serre un peu plus fort. Ce contact est… étrangement rassurant. Comme si elle sentait que j’en veux un peu – un tout petit peu – à Valérie, mais que… je l’aime et que je sais intellectuellement et au plus profond de moi tout ce que je lui dois. À elle, Karl, et sa famille. Chloé, qui est en-dehors du coup – mais au courant – est un pont que je sens solide entre mes émotions contradictoires. À moi d’aller sur la bonne rive.

— Par son réseau, Karl a vite su dans quelle fac tu t’étais inscrite, et je t’ai évidemment suivie dans ton choix. Tu as aussi trouvé, toute seule, avant que tu te demandes notre rôle là-dedans, un job chez Chloé. Karl et moi, on a beaucoup discuté avec Chloé, qui avait tout de la chic fille.

Chloé intervient :

— Il faut que tu saches aussi que le père de Karl a racheté ma boutique quand je me suis lancée dans la confection. Les investissements nécessaires étaient trop lourds pour moi. Mais si je t’ai recrutée pour essayer mes modèles, cela n’a rien à voir avec ça. Il me fallait quelqu’un de confiance, taillée comme moi ; c’est pourquoi Val ne convenait pas, même si j’ai pu utiliser ses talents également à ...