L'escalier d'Escher - Histoires de Sexe

L'escalier d'Escher

... mes débuts. Tu es quelqu’un de confiance, Claire. Et tu as trois bons amis autour de toi, qui n’ont toujours voulu que ton bien, même si cela te paraît très bizarre.
— Mes anges-gardiens…
— Pardon, Claire ? Je n’ai pas entendu.

J’avais juste murmuré. Je reprends, plus fort :

— Mes anges-gardiens. Mais… pourquoi ?

C’est Karl qui m’apporte un début de réponse :

— Quand tu avais… 5 ou 6 ans, je me suis perdu dans une grotte. Spéléo tout seul ; mauvaise idée pour débutant !
— Mon père ! Mon père faisait de la spéléologie !
— Oui : c’est lui qui m’a retrouvé. J’allais mourir de faim et de soif quelques heures plus tard. Ma famille et moi bien sûr, c’est une dette envers ta famille, aujourd’hui envers toi. Pour toujours.

Chloé a aussi sa larme à l’œil quand elle termine :

— Et c’est grâce à ta mère que j’ai ouvert ma boutique.

Val et moi parlons en même temps :

— Comment ça ? Elle était prof, dis-je.
— Mais je savais pas que tu la connaissais, tu nous l’as jamais dit ! s’exclame Valérie.
— Oui, mais alors que je tournais assez mal dans son collège, elle m’a vraiment aidée. C’était ma prof principale. Elle m’a trouvé un patron ; j’ai pu faire un apprentissage de la couture. Ensuite, elle a fait le nécessaire pour que mes parents obtiennent une bourse : ça a permis de payer mes études, mon CAP puis mon Bac pro. Elle m’a jamais laissée tomber, pendant 10 ans. Quelques jours avant sa mort, elle est même venue à l’ouverture de la boutique.

Merde, ...

... encore les larmes. On va tous se noyer dedans…

— J’avais jamais fait le rapprochement, mais… dans les affaires, après l’enterrement, j’avais retrouvé plusieurs boîtes de sous-vêtements, neufs. Je me souviens, maintenant ; y avait ton logo dessus – je vois Chloé formuler le mot « cadeau ». Si… si ça se trouve, je suis rentrée dans ta boutique pour trouver un boulot parce que j’ai reconnu le logo, inconsciemment ?

Là, on est en train de chialer, dans les bras l’une de l’autre. Val s’est levée, et nous prend toutes les deux dans les siens, en répétant :

— Putain, c’est incroyable.

Nous séchons nos larmes. Karl est resté stoïque ; enfin, il essaie !

— Merci, merci… Je suis sûre que mes parents seraient heureux et fiers de tout ce que vous avez fait pour moi. Je me sens quand même un peu nulle. Vous avez tellement fait, et moi je vous ai posé tellement de problèmes. Mon… suicide, ça a dû être rude.

C’est Chloé qui répond :

— Oui, on a été complètement nuls sur ce coup-là. Si tu peux nous pardonner, sache qu’on a beaucoup réfléchi, Karl d’abord et sa famille quand tes parents sont morts, puis moi ensuite, sur ce qu’on pouvait te dire de notre rôle, de nos dettes. Le père de Karl a jugé qu’il serait un poids trop grand pour toi que des quasi-inconnus s’immiscent dans ta vie et te rappellent tes moments les plus douloureux. J’ai été immédiatement contre, Val, je n’en parle même pas…
— Je n’ai pas parlé à oncle Hans depuis sa décision. Mais… on discute pas avec oncle ...