Le Rendez-vous - Histoires de Sexe

Le Rendez-vous

... tous mes détracteurs, je répondais que si ma détermination était à ce point totale, c’était pour une raison toute simple : j’avais déjà réussi une première fois à mener cette quête à son terme !

3 juin 2034 : cinquante-six balais, déjà ! Incroyable, toutes ces années sont passées à une vitesse dingue. Et à présent, c’est moi, le nouveau « Franck 2034 »…

Il y a quelques temps, je me suis rendu encore une fois sur les ruines de ce maudit barrage, pour commémorer la disparition de ma chère Karina… Bien que vingt ans se soient écoulés, la douleur que j’éprouve me semble toujours aussi vive !

Quant au pauvre Jean-Luc, il est mort quelques mois seulement après m’avoir fait passer son message. Un décès plutôt louche, maquillé en accident selon moi. Dès que j’ai appris la nouvelle, j’ai commencé à flipper. Pas pour moi, non. Pour mon projet… Me faire descendre signifiait que ce présent absurde resterait figé ainsi pour l’éternité. J’engageai alors une véritable garde rapprochée, vivant presque reclus et en état paranoïaque quasi permanent durant plusieurs années.

Tout ça n’est rien, car peu à peu mon obstination a fini par porter ses fruits. L’équipe de scientifiques que j’ai réunie est sensationnelle. Ils ont découvert une caractéristique étonnante de l’hypophyse, permettant le contrôle du temps relatif dans cette partie du cerveau. Ensemble nous avons repoussé les limites de la science ; au fur et à mesure des expérimentations, j’ai pu retourner de plus en plus loin ...

... dans le passé. Mais, bien sûr, la seule personne que je puisse contacter reste toujours moi-même.

Cependant, je paie à présent au prix fort les surstimulations artificielles subies pour nos essais de translation temporelle : il y a deux mois, un examen de routine a fait apparaître une tumeur cérébrale de la taille d’une grosse noisette à proximité de ma glande pituitaire. Cette annonce ne m’a pas vraiment surpris ; depuis le temps, je me suis habitué à l’idée de la mort programmée qui m’attend dans les prochains mois, inexorablement.

Je sais que certains de mes collaborateurs trouvent mon attitude totalement suicidaire : j’ai été largement prévenu des risques liés aux substances qu’ils ont dû m’injecter. Mais je n’ai pas eu le choix ; la seule possibilité d’atteindre le but qui a dirigé ma vie depuis le décès de mon épouse était de me soumettre à l’exposition prolongée de ces produits hautement mutagènes.

J’ai refusé de me faire opérer, malgré tous les avis médicaux. Je ne voulais pas risquer de perdre ma seule possibilité de sauver Karina, ma tendre femme, l’unique personne qui me donne encore la force de me lever chaque matin. J’ai aussi décliné la chimio qu’on me proposait, pour la même raison. Là non plus, je n’ai pas le choix ; si je ne vais pas jusqu’au bout, rien de ce que j’ai entrepris, aucun de ces nombreux sacrifices n’aura de sens…

Je résiste encore au cancer qui me ronge, mais pour combien de temps ? Est-ce que cela servira à quelque chose ? La voie que ...