Le Rendez-vous
Datte: 02/05/2019,
Catégories:
fh,
couple,
vacances,
amour,
cérébral,
revede,
nonéro,
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... implacablement. Une lézarde géante courut depuis le bas du barrage, balafrant sur quelques cent vingt mètres de hauteur la paroi de béton armé. Une seconde plus tard, à peine, la structure du tablier se déchirait dans un énorme craquement de métal écartelé. Loin en dessous de moi dans l’enfer qui se préparait, Karina s’était mise à courir.
En réponse à mes cris horrifiés, un sifflement infernal se fit entendre. C’était exactement comme la première fois : l’air s’échappait des gorges, expulsé par l’invasion brutale des milliards de mètres cubes d’eau du lac de retenue. La pression démentielle était en train d’enfanter une véritable montagne liquide, qui disloquait à présent le tablier du barrage avec des bouillonnements rageurs.
L’immense vague létale parut presque suspendue dans les airs le temps d’un battement de cil, comme un crotale s’apprêtant à fondre sur sa proie. Ma raison défaillante voulait me faire croire que ma compagne pourrait lui échapper. Puis le monstre s’élança à sa poursuite, avec la célérité d’un missile balistique. Désespéré et impuissant, je ne pouvais décrocher mon regard de cette vision d’horreur. Karina n’avait aucune chance de s’en tirer, cette certitude me glaçait à présent jusqu’au plus profond de mon être.
Elle ne fit pas plus de quelques enjambées avant d’être rejointe. En une fraction de seconde, la femme de ma vie disparut à jamais dans l’écume tourbillonnante de cette paroi liquide presque verticale. C’était terminé pour elle. ...
... Anéanti de douleur, je fermai les yeux. À ce moment précis, j’espérais sincèrement ne jamais les rouvrir.
La vague meurtrière m’épargna, contrairement aux habitants de la vallée. Eux n’eurent pas cette chance. La fureur débridée du lac détruisit absolument tout sur son passage, transformant ces paisibles prairies en paysages lunaires, rayant définitivement de la carte les nombreux villages qui les parsemaient.
Près d’une heure s’écoula, entre l’irruption cataclysmique de cette horreur carnassière dans ma vie et le moment où je parvins à me redresser et à prendre la direction du Range Rover, d’un pas traînant. Même si mon corps se mouvait, cahin-caha, mon esprit était ailleurs, du côté des ombres, avec Karina. Mon seul but, en prenant le volant, était de m’arracher aux pensées horrifiques qui me tétanisaient.
Je roulais au pas à travers un paysage rendu méconnaissable par les coulées de boue, manquant régulièrement de caler ou de m’embourber. Il n’y aurait pas eu plus de dégâts si on avait pilonné la région à coup de mortier. Ce que je percevais des alentours reflétait très exactement l’état de mon mental. Je m’identifiais sans peine aux carcasses éparses et méconnaissables jonchant les collines, comme si j’étais un arbre déraciné par une tempête imprévue, semant mort et désolation sur son passage…
—Imprévue ? Mon cul, oui !
Une rage froide montait en moi. Un sentiment de colère absolue, contre moi-même en premier lieu.
—Bordel ! Depuis cinq ans, tu savais ce qui ...