Les métamorphoses du Diable
Datte: 29/04/2019,
Catégories:
historique,
Humour
fantastiqu,
merveilleu,
Auteur: Maître Secret, Source: Revebebe
... ni un péché, et elle regarde toujours avec une sympathie amusée les signes furtifs qui trahissent, chez les nouveaux amants, la flamme naissante de leurs amours débutantes. Tant de ruses éventées et d’intrigues balbutiantes pour cacher ce que tout le monde peut voir, c’est charmant. Si elle est chaste, ce n’est pas par inclination mais par résolution ; simplement, elle se veut fidèle à ses premières amours. Le deuil d’un époux aimé est inévitablement devenu le deuil de son sexe.
Même si on l’avait mariée sans rien lui demander, par "mégarde", ses parents avaient fait le bon choix. Une craintive pucelle ne pouvait rêver de meilleur époux que le baron Méode. Ce bel homme, enjoué, spirituel et prévenant, avait vite transfiguré un mariage imposé en une liaison passionnelle.
Roteberge n’avait pas seize ans le jour de ses noces. Toute la cérémonie, elle s’était prise pour Iphigénie sacrifiée sur l’autel pour que soufflent les vents qui conduiraient les Achéens jusqu’à Troie. Pareillement, son père l’avait vendue à l’homme le plus riche et le plus puissant de la province. Terrifiée, elle imaginait son sexe comme un coutelas qui viendrait lui déchirer le ventre. Pourtant, malgré son âge, elle l’avait trouvé beau sans qu’un seul instant cela réduise ses effrois. De dix ans son aîné, Méode connaissait bien les femmes. Un physique avenant, un esprit éclatant, une courtoisie sans faille et une vigueur peu commune lui avaient valu maints succès féminins. Il n’ignorait rien de ...
... leur indomptable sensualité, si farouchement emmurée dans le secret de leur ventre. Pour qu’elle se révèle, il fallait l’apprivoiser. Elle n’attendait que des circonstances favorables pour s’épanouir et libérer sa violence. Galant, respectueux et toujours gai, c’était un compagnon idéal. Et, à force d’attention et de patience, il avait joliment éveillé le corps de la jeune fille à toutes les voluptés. La nuit de leurs noces, loin de se jeter comme un rustre sur son corps et ses frayeurs, il s’était réfugié dans la chambre voisine. Une portière tissée dans une splendide tapisserie les séparait.
— Ma mie, dit-il, j’ai vu tes peurs. Quand je t’ai vue, je t’ai aimée. Quand je m’en suis ouvert à ton père, il m’a juré ses grands dieux que tu consentais avec joie. Je vois qu’il n’en est rien. C’est de ma faute. Je me suis mal conduit. On ne prend pas une épouse sans lui faire sa cour. Je vais m’y attacher maintenant. Quand tu te sentiras prête, tu viendras me rejoindre dans ma couche. Tu as mon serment de ne jamais t’imposer cela comme un devoir. Il n’y aura que l’amour entre nous.
Pendant trois semaines, il avait patienté, regardant jour après jour ses alarmes virginales se fondre dans un désir croissant. À force de fréquenter cet homme, d’être couverte de cadeaux et entourée chaque instant de mille et une attentions, elle s’était prise à l’aimer, et chaque jour son corps réclamait ses caresses plus crûment que la veille.
Et un soir, n’y tenant plus, elle était venue le ...