1. Pas drôles, les drones !


    Datte: 26/02/2019, Catégories: fh, profélève, piscine, campagne, hotel, voyage, dispute, policier, Auteur: Rémi Karsan, Source: Revebebe

    ... d’une brasserie dont les tables en terrasse étaient bondées. Elle commanda un cocktail sans alcool : elle devait garder la tête froide. Il fit de même. Dès que le serveur se fut éloigné, elle prit l’initiative :
    
    — Que voulez-vous exactement ? demanda-t-elle un peu sèchement.
    — Simplement vous connaître. Je vous admire depuis le début de l’année. Les changements de ces dernières semaines m’ont bouleversé. J’aimerais tant vous aider…
    — Comment voyez-vous cela ? demanda Paula plus doucement.
    — Je ne sais pas, avoua-t-il d’une voix cassée, ne cherchant pas à remonter la mèche blonde qui masquait son regard.
    
    Il avait avancé ses deux mains sur la table ; elles touchaient presque celles de sa professeure. Elle resta strictement immobile.
    
    — Que savez-vous de mes ennuis ?
    — Rien du tout, assura-t-il. Des peines de cœur, peut-être ? Les profs doivent en avoir aussi.
    — Vous n’y êtes pour rien ?
    
    Le garçon se redressa et la fixa du regard, comme soufflé par la question.
    
    — Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas.
    — Des messages venus du ciel, cela ne vous dit rien ?
    
    Il l’observait comme si elle était devenue folle.
    
    — Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Je suis un étudiant qui n’a aucune chance de réussir son année scolaire. J’ai de l’admiration pour vous, peut-être trop. Je n’ai rien à perdre. Je voulais passer avec vous une soirée qui resterait dans ma mémoire. Et vous apporter un peu de distraction dans des épreuves dont j’ignore tout.
    
    Paula le ...
    ... regarda longuement ; elle le trouva beau. Elle était surprise qu’un physique aussi banal, que des phrases aussi éculées puissent transporter une telle conviction jusqu’au fond de son âme. Il ne pouvait avoir de lien avec la perversion des messages du drone. Elle avança les mains et toucha celles du jeune homme. Il les recula avant de les saisir sans rien dire. Le moment dura longtemps, très longtemps. Soudain, tout bas, il demanda :
    
    — Vous feriez une autre course en scooter avec moi ?
    
    Paula ne répondit pas mais se leva en serrant une main du jeune homme dans la sienne. Elle ne savait pas si elle faisait la plus grosse bêtise de sa vie ou si elle commençait à panser ses plaies. Dans un état second, elle se retrouva au sixième étage d’un immeuble ancien du Marais, une modeste chambre en soupente éclairée par un vasistas offrant une vue sur des toits de tuiles grises derrière lesquels se dressait le sommet de la colonne de la Bastille. Le mobilier était modeste : une armoire en faux bois montée sur place, un grand lit niché dans la partie basse de la pièce. Une planche posée sur des tréteaux sur laquelle trônait un ordinateur portable de dernière génération faisait office de bureau. Une étagère faite de planches reposant sur des briques regorgeait d’ouvrages de sociologie et de bandes dessinées. Le papier peint délavé disparaissait sous des affiches de concerts de groupes des années 80 disparus depuis longtemps.
    
    Le jeune homme, dont Paula s’était soudain souvenu qu’il se ...
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