Le dîner
Datte: 23/02/2019,
Catégories:
cérébral,
nonéro,
Auteur: Curiosa, Source: Revebebe
Cyril rentrait tard du travail ce soir-là. Il rentrait tard tous les deuxièmes jeudis du mois, jour de comité de direction, que le grand chef réunissait évidemment à partir de 6 heures du soir… Mais il rentra spécialement tard ce soir-là. Il me salua à peine, alla grignoter à la cuisine puis directement au lit. Je le rejoignis, il se retourna pour me présenter le dos. Il mit au moins une bonne demi-heure à s’endormir, mais ne manifesta pas davantage l’intention de me parler, ou d’un geste tendre quelconque.
Le lendemain matin ne fut pas plus décoincé, ni le vendredi soir. Je n’avais toujours pas digéré les noms dont il m’avait accablée, et lui semblait me garder un chien de sa chienne. Le samedi matin, il fallut quand même rompre le silence, au moins pour les choses utiles :
— Cyril, tu n’oublies pas que nous avons des invités ce soir ? Je te laisse le soin d’aller faire les courses. J’ai préparé une liste, et je te laisse l’initiative pour la boisson. Et peut-être que d’ici là tu auras retrouvé la parole ? En tout cas, si tu n’a rien à me dire, tâche au moins de faire bonne figure devant nos amis.
— Toi aussi tu n’as rien à me dire, on dirait – à part l’intendance. Pour ce soir, ne crains rien. Ce sera plus amusant que de nous donner à chacun le spectacle de nos têtes d’enterrement.
Il partit avant que j’aie le temps de réagir, ce qui valut peut-être mieux. Il fut en courses toute la matinée, alla faire du vélo l’après-midi. Nous finîmes de nous préparer dans un ...
... silence pesant, et le premier coup de sonnette fut une délivrance. C’était Sonia, une grande amie à moi, et son mari Gilbert. Puis arrivèrent des connaissances qui habitaient quelques rues plus loin, et enfin Thomas, vieil ami d’enfance de Cyril, et sa compagne Hilda.
Tout le monde était assis un verre d’apéritif en main, quand j’aperçus entre le pied de Sonia et celui du canapé où elle était assise, une grosse poussière, ou peut-être même une saleté. Je me dis que j’aurais dû mieux vérifier le ménage. Plissant les yeux pour mieux voir (je répugne à porter mes lunettes dans une soirée), je devins tout d’un coup cramoisie.
Cyril s’inquiéta tout de suite :
— Quelque chose qui ne va pas, Aline ?
Le ton inquiet de sa voix me fit chaud au cœur, mais mon cœur continuait de battre follement.
— Non non, tout va bien. C’est juste un grain de poivre inattendu que j’ai croqué dans cette rondelle de saucisson.
— Tu es sûre ?
— Ne t’inquiète pas, je vais boire un peu d’eau.
— Il faut manger plutôt que boire, intervint Philippe, le voisin.
Je bus, j’avalai deux biscuits salés, et repris un peu mon calme. En même temps, je ne pouvais passer plus de 30 secondes sans jeter un regard furtif vers l’objet de mes inquiétudes : l’enveloppe déchirée d’un préservatif, relique des ébats de l’avant-veille. Oubliée sous le canapé, et émergeant par un concours de circonstances glaçant.
Sa couleur ressortirait sur la moquette, et si Sonia le poussait de nouveau vers l’avant, il ...