1. La mère de Jean (3)


    Datte: 18/01/2019, Catégories: Divers, Auteur: Anthynéa, Source: Xstory

    ... sûr !
    
    — Merci… c’est bien long ces voyages ! Vous rentrez où vous partez ?
    
    — Non, je regagne ma maison…
    
    — Ah ! Moi aussi et mon week-end a été cauchemardesque. Il est des hommes qu’il vaut mieux éviter…
    
    — … ?
    
    Etonnée Adèle se garda bien de répondre. Mais l’autre revenait à la charge.
    
    — Vous habitez donc ici ?
    
    — Oui. Enfin pas très loin !
    
    — Je vois ! Moi aussi ! Je me prénomme Lucie.
    
    — Oui ! Pardon alors, moi c’est Adèle
    
    — Vous voyagez toujours par le train et le bus ?
    
    — Oui…
    
    — C’est bien pratique et puis au moins, on ne risque rien. Je voulais excuser le monsieur qui… enfin il vous a ennuyé avec ses regards, limite cochons.
    
    — Ce n’est rien… tant qu’il n’allait pas plus loin…
    
    — Oh ! Il n’aura plus cette occasion, avec moi tout du moins. Il m’a pourri mon séjour à Nancy.
    
    La femme sentait bon le parfum. Et ses mains s’agitaient au fil de la conversation. Adèle dut supporter le rapport inédit des pérégrinations de cette femme avec son godelureau dans un hôtel Nancéen. Mais le babillage incessant de cette Lucie avait quelque chose d’instructif.
    
    — Vous savez, je vais de temps à autre à l’hôtel avec un monsieur gentil. Mais ce Denis n’avait rien de sympathique. Je suis longtemps restée au chômage et… comment vous dire, je rencontre parfois… deux fois par mois soyons honnête, des hommes qui louent mes services pour un week-end. Mais ce Denis… Nous ne sommes restés que dans la chambre, n’en sortant que pour manger.
    
    — … ?
    
    — Vous ...
    ... m’avez l’air étonnée ! Mais vous savez, travailler pour une misère ou passer quelques jours avec un monsieur pour le même salaire…
    
    — Vous voulez dire que… vous couchez pour de…
    
    — Ben… oui ! Ils ont du blé, alors c’est seulement un partage non ? Et puis je n’ai jamais retrouvé de vrai travail et faire des ménages pour six francs-quatre sous…
    
    — Vous…
    
    — Oui, vous me prenez pour une salope, n’est-ce pas ? Mais vous faites quel travail vous ?
    
    — Moi ? Euh je suis… je bossais dans une filature qui va fermer et je serai bientôt aussi sans emploi.
    
    — Vous aimez aussi les hommes ? Vous n’êtes pas… lesbienne. Remarquez, je n’ai rien contre ce genre de pratique.
    
    — Mais bien sûr que non.
    
    — Alors voici ma carte et si vous voulez tenter votre chance… je vous aiguillerai volontiers. Vous savez, ils ne sont pas tous comme cet idiot de Denis… le type du train !
    
    Deux stations plus tard, la brune se levait et quittait l’autocar. La carte remise par la femme indiquait son habitation à deux rues de là. Adèle avait collé le bristol dans son sac à main. Trois arrêts plus loin, elle aussi abandonnait le bus. Elle marcha sur le trottoir pour les quelque cent mètres qui lui restaient à faire. Ses talons claquaient sur le bitume enneigé. Chaque pas devenait un exercice d’équilibriste. Enfin… le minuscule pavillon était là, bienveillant et rassurant. La première chose que fit la mère de Jean fut de rallumer la cheminée.
    
    L’insert dans lequel les flammes montaient en crépitant ...
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