1. L'appel


    Datte: 11/02/2018, Catégories: forêt, campagne, voyage, train, nonéro, mélo, Auteur: Musea, Source: Revebebe

    ... peurs, de nos certitudes d’êtres rangés, calibrés, orientés.
    
    «On ne sait plus vouloir » disait Murat… Merde, c’est tellement vrai, cette phrase… ON NE SAIT PLUS VOULOIR… Vous vous rendez compte, le temps qu’on perd en raison, en fuite de cette quintessence de soi ?
    
    C’est immense, incroyable, démentiel, dingue… au-delà même de la folie, de l’ivresse.
    
    On nous apprend à construire des barrières, à piéger nos jardins, à repousser l’essentiel pour construire l’inutile, réclamer la futilité comme si c’était indispensable au bonheur. Tout ça pour oublier l’animal en soi, le feu, l’eau, la terre, tout ce qui nous agite, nous émeut, nous fait respirer, aimer, vibrer, agir.
    
    Il est des moments où, heureusement, l’essentiel reprend le dessus. Parce que c’est important même si nous n’en avons pas conscience dans l’instant. Notre être réclame cette plénitude et la terre appelle en même temps qu’elle répond à notre attente, sans éclat, mais dans un don total.
    
    Le train qui m’emporte là-bas me le dit. À chaque tour de roue, à chaque chuintement graisseux des machines :
    
    Je t’appelle, je t’aspire, tu es mienne.
    
    La terre est une amante exigeante. Elle vous mange l’énergie, vous comble l’âme, le corps, vous punit si vous la trahissez, la maltraitez, l’oubliez ou la repoussez. Vous ne pouvez pas la combattre sans l’aimer, sans le lui dire au risque de vous perdre.
    
    Le traité d’amour, c’est ce voyage… cet état d’hyménée, cette réponse de votre corps au sien, à votre corps ...
    ... défendant: réponse à cette mystérieuse voix qui vous emporte vers un chemin où poussent les ronces parce que vous ne l’empruntez plus depuis longtemps mais lorsque vous retrouvez la direction, c’est un lieu magique qui se donne sans partage et qui fait se rejoindre l’enfant et l’adulte que vous êtes en une même harmonie.
    
    Je regarde le paysage changer, la tuile ronde et chaude, les petites maisons basses qui montent, s’étagent, se parent de pierres de lave, de granit, je vois les toits de lauze envahir l’espace, les collines s’affirmer. Le maïs, déjà haut se transforme en blé ondoyant, un peu couché par le dernier orage et puis, petits yeux bruns auréolés de jaune, les tournesols tendent leur cou pelucheux vers le soleil.
    
    Ce dernier hésite, comme moi. Il se cache entre peur et envie. Entre amertume et chagrin d’enfant.
    
    Laisser couler les larmes, laisser la vie en bouffées chaudes vous envahir le ventre, le cœur.
    
    C’est la géographie qui vous redessine, qui vous désigne les plats du jour, qui jauge votre appétit, votre aptitude à supporter les émotions fortes, qui vous surprend avec ce regard canaille quand la digitale pourpre vous saute au cœur, que la branche de framboises bien mûres apparaît au détour d’une montée poussive, quand le train semble tousser ses poumons d’acier. Est-ce ainsi d’écorce fille que l’on va de-ci de-là au monde ? Aurillac montre ses tours, sa gare large, ses filles plantureuses aux yeux bleu Godivelle, Chambon, puis cède la place à la force du ...
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