1. Magenta


    Datte: 30/10/2018, Auteur: Simple Demoiselle, Source: Revebebe

    Les rêves, l’espoir à quoi ça servait ? Parfois le poids de la douleur était insupportable et dans ces moments, le garçon s’isolait. Le gris sale, le béton, les cages d’escaliers répugnantes, les tags agressifs, sans créativité, sans magie, sans poésie… Il voulait se saisir d’un gigantesque parpaing, démolir ce décor de mauvaise série policière, qu’il ne subsiste enfin plus rien de ce paysage abject ; alors il s’arrêtait, se rappelait l’essentiel, un cliché d’une bêtise aberrante qui n’en restait pas moins véridique alors encore moins tolérable… Il s’agissait de sa vie, son monde, sa réalité. Les ténèbres du ciel lui parurent directement issues de sa propre âme tourmentée, à croire que l’encre de son cœur venait en salir la beauté impure. Ce qui s’étalait devant ses yeux lui donnait la nausée, dire qu’il avait cru que voir son quartier du toit permettrait d’y trouver du positif. Mais non, cette décharge humaine perdait son manteau d’immondices uniquement aux premières lueurs de la nuit.
    
    Ses mains tremblaient luisant d’un éclat pâle, celui du soleil agonisant, lumière cherchant à se débattre au milieu de cette insondable noirceur. Un rayon lui atterrit directement sur le visage, agressant sa rétine dévoilant ses traits fins, juvéniles aux iris fatigués démentant l’innocence qu’il aurait été possible d’y voir… s’il y en avait un jour eu. Esteban restait assis là, muet, la tête dans les bras incapable de retenir les vagues déferlantes menaçant de sillonner ses joues rondes. ...
    ... Même seul il ne parvenait pas à les faire sortir, se laisser aller aux moindres sentiments, surtout ceux-ci, paradoxe de celui croyant se montrer fort se fragilisant davantage par le refus d’extérioriser. Il fallait compenser, prouver sa valeur, toujours se battre, encore, encore et encore jusqu’à ce que ses poings saignent, voilà ce dans quoi il avait grandi.
    
    Violence : s’il ne voulait pas finir face contre terre, la tête plongée dans l’eau croupie il devait jouer, comme tout le monde en ces lieux si souvent visités du tragique. Un jour, il partirait, il quitterait tout ça, il fuirait sans revenir, sans se retourner, enfin libre. En attendant il demeurait cloué au sol, ses ailes engluées dans cette mixture d’égout, collante, malsaine, méprisable !
    
    Il valait tellement plus que ÇA, bordel !
    
    Il abattit sa fureur contre un pauvre mur, l’onde de choc arracha une insulte dirigée contre un adversaire imaginaire. Après réflexion il luttait bien contre quelqu’un, son ennemi, son rival, lui-même. Et qu’il pouvait se détester de tomber aussi bas… Lui qui la haïssait tant n’eut d’autre choix que se soumettre à la loi de la rue. Le blanc de la neige ne lavait rien, il recouvrait au mieux, cachait la misère et là, y avait un taf monstre !
    
    Du haut de ses 16 ans, il ne montrait plus de candeur, réaliste, résolu presque cynique à l’occasion. Seule la douce caresse des flocons troublait son monde intérieur à cette heure-ci, il les sentait tomber, fondre pour se transformer en eau ...
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