-
Arlequin
Datte: 20/10/2018, Catégories: nonéro, théatre, délire, théâtre, Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe
... retrouvé la Bergère, tu iras chanter Chiffon Rouge dans la chambre à gaz, Sargo. Suis-je clair ? Sargo tombe à plat ventre devant le roi. SARGO : Sire Dieu, il ne peut l’apprendre. Le roi et moi seuls le savons en ce monde. LE ROI : Alors prie qu’il ne l’apprenne jamais, Sargo. Prie fort ! SARGO(s’agenouillant) : Le Seigneur est mon berger… LE ROI : Tais-toi ! Où est-elle ? SARGO : Dans le petit salon. Elle est avec les autres postulantes pour un contrat temporaire de Gratteuse des Baignoires du Roi. LE ROI : Fais-la entrer. SARGO : Et les autres ? LE ROI : Si les écuries ont besoin de mains à crottin, garde-les. Je m’en moque. Elles ne sont que de la boue. Elles n’existent même pas. Mais elle ! ELLE ! La bergère entre. En voyant le roi, elle ouvre grands les yeux et la bouche, tombe à genoux. LA BERGÈRE : Pardon, messire Sire. On se sera trompé de porte en me guidant. Elle recule en direction de la porte, multipliant les courbettes. LE ROI : Et s’il n’y avait pas erreur ? Relève-toi, Sylvie. Elle relève la tête et le regarde, étonnée. LE ROI : Lorsque j’avais dix ans, pendant la période confuse et violente que l’on a appelé la Fronde, je vivais comme un enfant ordinaire au milieu du peuple dans un village. LA BERGÈRE : Toi ? Vous ? Sire ? Jacques ? Oh, mon Dieu… LE ROI : Oui, Jacques. J’étais Jacques à cette époque. Ainsi, tu ne m’as pas oublié, Sylvie… LA BERGÈRE(se tournant vers le public) : Oh, cela ne risquait pas… ...
... T’oublier, non ! LE ROI : Moi non plus. Pendant toutes ces années, je ne t’ai jamais oubliée. Et je t’ai cherchée. Jamais, jamais je n’ai imaginé qu’une autre pourrait devenir ma femme. LA BERGÈRE : Sire, je ne suis qu’une humble bergère. LE ROI : Tu seras ma femme. Souviens-toi de ce jour où nous étions partis dans la montagne. Tu es tombée. LA BERGÈRE(se tournant à nouveau vers le public) : Je m’en souviens bien. En grimpant, il a fait débarouler une roche qui a manqué me tuer. C’est en voulant l’éviter que je suis tombée. LE ROI : Je t’ai soutenue pendant que nous redescendions. LA BERGÈRE(tournée vers le public): Il n’avait qu’un seul souci : ce que son tuteur dirait de l’accident. Il était déjà d’un impitoyable égoïsme. LE ROI : Et ce jour où je t’ai embrassée… Ton petit cœur battait la chamade sous mes paumes. Pour toi aussi, ce fut un grand moment. LA BERGÈRE(toujours en direction du public) : Un grand moment, en effet. Il m’avait sauté dessus et jetée dans la paille. Il m’écrasait de tout son poids en essayant de m’ouvrir les cuisses. Il y est d’ailleurs arrivé et si mon cœur battait si fort, c’est qu’il s’agissait d’un viol. LE ROI : Sargo ! SARGO : À votre humble service, mon heureux Sire. LE ROI : Le mariage aura lieu sous huitaine. Papier et Écritoire ! Papier et Écritoire entrent au trot. Le roi commence à dicter tout en se dirigeant vers la porte. Sargo le suit comme son ombre. LE ROI : Le 31 Vendémiaire, An Huit, nous, Roi ...