1. L'attente


    Datte: 11/10/2018, Catégories: fh, couleurs, asie, piscine, cérébral, revede, Voyeur / Exhib / Nudisme pénétratio, exercice, mélo, occasion, Auteur: Titoune, Source: Revebebe

    Je suis assis au bar. Dehors, la chaleur moite assomme la ville. À l’intérieur, la climatisation déchaînée inciterait presque à porter une veste. Le groupe de jazz allume l’ambiance. Le chanteur, de sa voix gutturale, nous fait allègrement passer de Billie Hollyday à Oscar Peterson. La bière coule à flot. Banquiers, traders, avocats… La foule se voudrait cosmopolite et bigarrée, alors qu’elle ne fait que reproduire les schémas de vie auxquels elle a toujours été habituée. L’époque coloniale est bien loin, mais si proche en même temps.
    
    J’attends.
    
    Quoi ?
    
    Aucune idée bien définie. Je viens juste de rentrer de France. Une semaine pour enterrer les souvenirs d’une existence passée à deux. Les relents du passé se font bien présents ce soir. Sentiment de vide, de l’absence omniprésente de l’autre. Tant de choses partagées qui n’ont maintenant plus de sens.
    
    Le ballet des bulles me distrait un peu. Éphémères, elles dansent dans la lueur dorée du verre. C’est au tour d’Ella Fitzgerald de bercer mes oreilles. Douce mélodie, enchanteresse de mélancolie, je m’enfonce un peu plus dans mon désespoir. La descente est bien agréable. Sentiment de lâcher prise. Tourbillon de tristesse, rafale de chagrin, je suis seul. Mon portable vibre. Je l’ignore. Je me laisse voguer sur ma peine. Sentiment tellement rassurant, alibi bien pratique quand vient le temps de justifier le refus de vivre.
    
    La musique s’arrête. Les conversations se font plus bruyantes. Une voix se fait insistante à ...
    ... mes côtés. Douce, légère et fraîche, elle m’attire. Je tourne la tête et découvre la plus charmante des visions. Elle est là, à mes côtés et elle me parle. Visiblement irritée par mon silence. Je sors de ma torpeur. Me confonds en excuses et m’écarte pensant lui bloquer l’accès au bar. Elle se colle au comptoir et me fait franchement face. Elle est parée du parfait uniforme de banquière en devenir. Peut-être trente ans, tout de noir vêtue, les cheveux de jais ramenés en queue de cheval, elle est l’incarnation même de la femme asiatique.
    
    Je me rends compte que je suis en train de la détailler de la tête aux pieds. Je m’attarde sur sa poitrine. Réalisant ma conduite, je relève la tête pour voir ses yeux, rieurs, plonger dans les miens. Elle est belle.
    
    Son sourire est communicatif et je m’efforce d’en esquisser un. Elle me fait signe que nos deux verres sont vides et passe commande de deux scotchs. Le malt ambré servi, elle me prend par le bras et m’entraîne sur la terrasse du bar.
    
    — Cela fait longtemps qu’elle t’a quitté ? me demande-t-elle.
    
    Je suis interloqué. Je ne comprends pas le sens immédiat de sa question.
    
    — Tu es tout seul au bar, tu ne parles à personne, tu es perdu dans tes pensées. Seule une femme peut en être la cause.
    — Heu non, pas du tout, bégayais-je. J’essaye juste de me remettre du décalage horaire.
    — Si tu le dis… Enfin, si ça te dit, je sais ce qu’il te faut pour l’oublier.
    
    Mais oublier qui ? Oublier quoi ? Un ami ? Des projets ? Un double ...
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