M.A.
Datte: 19/09/2018,
Catégories:
historique,
policier,
Auteur: Brodsky, Source: Revebebe
Le curé Meslier et l’inspecteur Lebau aimaient deviser ensemble. Tous deux étaient des hommes de raison que leur foi n’aurait su égarer.
Le premier est connu pour avoir laissé à sa mort un testament qui fit de lui le premier philosophe véritablement athée. Connaissant parfaitement la bible et la théologie (ce qui était rarement le cas des curés de l’époque), il passait ses nuits armé de sa plume à réfuter les dogmes et les superstitions de la foi catholique. Il n’aurait su rendre publiques ses réflexions, bien entendu, et garda cela pour lui jusqu’à sa dernière heure.
L’Histoire n’a gardé aucune trace du second, au point qu’on pourrait se demander s’il n’est pas, à l’instar de ce qu’écrivait Meslier sur Jésus, un mythe inventé par un écrivain en recherche de personnage pour ses nouvelles policières.
Quoi qu’il en soit, les deux hommes étaient du même âge, nés tous les deux en 1678 et officiaient en ce printemps de l’année 1744 dans le petit village d’Etrépigny dans les Ardennes.
Le début de notre histoire les retrouve attablés tous deux au presbytère, autour du café que vient de servir la belle Marguerite ; bonne du curé de son état, Marguerite vaut à son employeur bien des soucis à cause de son jeune âge et des regards éperdus d’amour qu’elle lance en permanence à ce dernier.
— Ah mon père, n’êtes-vous pas ennuyé par cette dévotion que semble avoir pour vous votre servante ?
— Je sais… Les ragots sont remontés jusqu’à l’évêque.
— Et alors ?
— Et alors quoi ...
... ? Je suis un vieil homme et cette jeune femme est ma nièce. Seuls les esprits perfides peuvent voir quelque mal là-dedans.
— Hum… Évidemment, sourit l’inspecteur.
— D’autant plus que le monde est plein de vieux barbons ayant épousé des femmes beaucoup plus jeunes qu’eux. Allant parfois jusqu’à exiger leur virginité.
— Mais l’église vous interdit cela, à vous, monsieur le curé.
— L’église a tort sur ce point. L’épître à Timothée est très claire là-dessus : « Que l’homme de foi n’ait qu’une seule épouse… »
— Remettriez-vous en cause l’autorité du Pape ?
— Bien sûr que non. Je ne suis pas marié avec ma nièce…
— Que vous êtes retors, mon ami. Je n’aimerais pas avoir à faire à vous comme suspect… Dites-moi, je voudrais avoir votre avis sur une affaire assez bizarre ayant eu lieu il y a quelques jours.
— Je vous écoute, inspecteur.
— Vous connaissez la veuve Mac Bride, qui est venue s’installer chez nous il y a deux ans ?
— Une fervente catholique, en effet, qui élève à la perfection ses deux jeunes enfants malgré son profond dénuement.
— Eh bien figurez-vous qu’elle n’est plus dans le dénuement à l’heure qu’il est.
— Ah bon ?
— Il y a trois jours, quelqu’un s’est introduit chez elle pendant la nuit. Son fils aîné a entendu du bruit et a vu une ombre s’échapper par une fenêtre qu’elle avait laissée ouverte.
— Qu’a-t-il dérobé ?
— Rien, justement. Mais sur la table de la cuisine, il a trouvé une bourse pleine de pièces d’or avec un mot : « De la part des enfants de la ...