La Bacchante
Datte: 18/09/2018,
Catégories:
fh,
fplusag,
coupfoudr,
Auteur: Biwood, Source: Revebebe
Après l’obtention de mon bac, j’ai eu envie de faire des études d’art. Malheureusement mon père, homme plutôt pragmatique, me déconseilla cette voix arguant que ce genre d’étude était une voie directe pour le chômage. À contrecœur, je décidai de m’inscrire dans une école de commerce. Cependant, mon père consentit à me payer des cours de dessin afin que je perfectionne mon art. Dès le mois de septembre, je m’inscrivis dans les cours d’Art de Virginie Bouchain. Je ne connaissais cette artiste que de réputation, mais je savais qu’elle serait la meilleure personne pour me faire progresser dans le dessin.
Je me rendis donc à mon premier cours de dessin tout confiant avec l’assurance de progresser rapidement. Situé au cœur du quinzième arrondissement de Paris, l’atelier était un ancien garage qu’on avait transformé en œuvre d’art géante. Sur le portail, on avait peint le «Bain à la grenouillère » de Claude Monet et deux sculptures représentant des femmes nous accueillaient dans la cour. Rasséréné par le spectacle qui s’offrait à moi, je sonnai à la porte.
— Qui est là ? me dit une voix de femme
— Je suis monsieur Thomas Lelièvre, je viens pour le cours.
— Entrez.
Quand j’ouvris la porte, je fus saisi par l’apparence de Virginie Bouchain. C’était une femme qui devait avoir une quarantaine d’années mais qui avait réussi à conserver la beauté de ses vingt ans. Elle avait de longs cheveux noirs, portait une longue robe noire d’inspiration victorienne et tenait dans sa main ...
... gauche un fume-cigarette. Assis sur un fauteuil en osier, elle m’observa d’un regard intense que je ne pouvais soutenir.
— Asseyez-vous, me dit-elle en m’indiquant un tabouret.
Se mouvant d’une manière très théâtrale, elle posa devant moi un chevalet.
— Alors, par quoi voulez-vous commencer ?
— J’ai un problème avec l’anatomie humaine. J’ai du mal à dessiner le corps humain.
Sans me répondre, elle sortit d’un sac un dessin qu’elle posa à côté de mon chevalet. C’était «La Bacchante », un célèbre nu de Gustave Courbet.
— Essayez de reproduire ce dessin, je jugerais après de votre niveau.
Je sortis mes crayons et m’attelai sans hésitation aucune à la tâche. Bien que je sois sûr de moi et de mes coups de crayon, je n’arrivais pas à me concentrer sur le dessin. Madame Bouchain assise sur son fauteuil en osier fumait avec son fume-cigarette, elle m’observait toujours avec ce regard intense. Je ne sais pas pourquoi, mais il y avait quelque chose d’étrange dans ce regard. Était-ce son rimmel, son noir à lèvres ? J’étais envoûté et ne pouvais m’en détacher. Péniblement, je glissai quelques formes subrepticement sur le dessin et au bout d’une trentaine de minutes, je parvins tant bien que mal à finir la reproduction. Toujours dans sa démarche théâtrale, madame Bouchain se dirigea vers moi pour voir ce que j’avais dessiné. Regardant mon dessin le sourcil haut perché, elle me dit :
— Vous n’avez pas assez observé le dessin, le corps de votre reproduction est difforme ...