1. histoire intemporelle (1)


    Datte: 13/08/2023, Catégories: Gay Auteur: Etrenu, Source: Xstory

    L’homme entre le premier dans la grange. Le garçon qui avait attiré mon regard est sur ses talons. C’est lui qui referme la porte, se battant contre le vent et la pluie. Ils sont chargés. Ils déposent leurs lourds sacs près de la vieille table, non loin du foyer.
    
    Quand je dis le garçon… Je le vois de haut, depuis mon perchoir, à travers les lattes disjointes du plancher à foin. Tout à l’heure il me semblait bien jeune. Là je réalise que nous avons sensiblement le même âge.
    
    Est-ce la vue du dessus ? C’est sa tête bien entrée dans ses épaules que j’avais remarquée. Une tête taillée à la serpe surmontée d’une épaisse crinière brune, un cou puissant mais bas, des épaules larges, bien plus larges que les miennes.
    
    « Des épaules de fille » me disaient souvent mes frères ainés. C’est vrai que je suis maigrichon. Que voulez-vous, je n’ai pas d’appétit. Pour la nourriture, pour la vie au grand air, pour l’effort physique. Je suis un rêveur. « Un doux » comme dit Raoul, l’ainé qui depuis toujours me protège des sarcasmes des autres garçons. Bien mal leur en prendrait de me chercher noise. Plusieurs se souviennent des taloches puissantes reçues alors qu’ils m’embêtaient.
    
    Ce garçon, en-dessous de moi, est un manuel, pas un rat de bibliothèque. Une forme de puissance naturelle se dégage de lui. Une force sereine, qui ne craint pas, qui se maitrise, qui ne s’exerce qu’à bon escient. L’opposé de moi, en sorte.
    
    C’est bien connu, les opposés s’attirent.
    
    Alors que l’homme ...
    ... s’occupe de lancer un feu de bois, il ordonne d’une voix douce mais ferme au garçon de prendre les deux seaux d’eau métalliques qui trainent et de ressortir pour aller les remplir. Le gars s’exécute sans un mot.
    
    Je n’ai ainsi que cet homme taillé tout en force à regarder. Il ôte son lourd manteau et son chapeau qu’il suspend tranquillement contre le mur de pierre. Il se penche vers le foyer avant de se redresser pour attraper ce qu’il lui faut pour lancer le feu. Il met du petit bois, puis du moyen, et enfin, soigneusement, des fines buches. Il allume le feu qui part sans difficulté : dans la grange le bois est bien sec.
    
    Ses gestes sont précis. Pas un effort de trop. Il allonge un bras pour, d’une main, s’emparer d’une lourde buche. J’écarquille les yeux. Même à deux mains j’aurais ressenti le poids du chêne bien dense. Lui le fait sans aucune peine, comme s’il avait attrapé un fétu de paille. J’avais bien vu qu’il était costaud. Cela se confirme.
    
    La porte se rouvre brusquement, me faisant sursauter. J’arrête de respirer. Il ne faut pas qu’ils me surprennent. Je ne devrais pas être là.
    
    Mais l’homme tourne la tête vers l’entrée. Il voit comme moi le garçon entrer en tenant à chaque bras un seau d’eau bien plein.
    
    Il les pose au sol, referme la porte alors que l’homme revient à son feu. Il ne m’a pas entendu. Heureusement pour moi. Vêtu de ma seule chemise, j’aurais du mal à expliquer ce que j’étais en train de faire.
    
    Le garçon les amène devant le foyer. Toujours ...
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