Intentions
Datte: 06/09/2018,
Catégories:
cérébral,
revede,
exercice,
Auteur: Alex Vogelbird, Source: Revebebe
Combien de femmes sont télépathes et combien rêvent seulement de l’être ? Combien de fois cette question : « Qu’as-tu dans ta tête ? » et combien de fois ai-je dû choisir sur la seconde, sans frémir d’une paupière de peur de me trahir, entre la dissimulation habituelle (à pas grand-chose) et la sincère mais embarrassante vérité (à une autre) ?
Pas la peine de réfléchir cent sept années pour répondre, me direz-vous. Cependant, attention : à alternative simpliste, échappatoire exiguë, car la femelle indiscrète ne se satisfait pas d’élusions. Et toujours cette angoisse qu’une goutte de sueur, sur ma tempe ou derrière mon oreille, ne révèle mon incertitude à cette prédatrice guettant mes réactions, prête à fondre sur moi à la moindre faiblesse, retroussant ses babines, pressentant la curée.
Alors je limite mes escapades mentales aux rares occasions que j’ai d’échapper à ses œillades inquisitrices. J’ai toujours peur qu’elle m’observe, même maintenant. Mais sous la douche, aux toilettes ou sous la couette quand je paresse, j’invente de nouvelles peaux, de nouvelles formes. Sous la chevrotine de ma culpabilité, mes rêveries déchiquetées se fondent à ma mémoire, ma mémoire à mes rêveries. Réminiscences, illusions, utopies… J’envisage d’autres lèvres remontant mes cuisses, d’autres chevelures à humer, d’autres poitrines à embrasser, d’autres fesses écartées pour moi. Pour tout vous avouer, je rêve de grasses vulves écrasant leur liqueur sur les bouches pincées de jeunes ...
... gouines soumises, dont j’imagine aussi les rosettes cédant sous les pressions de langues et de phalanges huilées…
Mais les raffinées délices de ces amours rêvées, pour orgastiques qu’elles soient, me rendent insatiable car jamais elles ne se comparent, ni en intensité ni même en qualité, aux pharamineuses orgues d’une jouissance partagée. C’est, hélas, la taxe à payer pour ce que l’on appelle « fidélité ». Or, à la femme qui exige l’exclusivité de ma personne physique, je l’accorde à une exception près : la masturbation.
En revanche, si elle souhaite également l’autorité sur mon âme, je ne peux lui offrir que ce que je possède. Je n’ai aucune emprise sur ma propre folie.
La semaine dernière, en fin de matinée, tandis que je rêvassais dans la baignoire – mes mains lascives, portées par les vaguelettes, flottant d’elles-mêmes vers les zones les plus sensibles de mon anatomie – mon amoureuse est entrée dans la salle d’eau. Je ne l’ai pas entendue. Elle est restée plusieurs minutes sans parler, à me regarder me toucher. Je ne savais pas. J’ai continué. Elle ne m’annonça sa présence qu’à la pire des opportunités : alors qu’en jouissant, je laissai s’échapper de mes lèvres entrouvertes l’appellation pseudonymique, inopinément rarissime, de sa fille adorée.
Cette ode minimaliste à la tendre jeunette – à peine deux syllabes soupirées – leva, quant à l’identité de la demoiselle de mes pensées, toute ambiguïté dans la compréhension que ma compagne pouvait maintenant avoir de la ...