Rosa et Mathilde - Histoires de Sexe

Rosa et Mathilde

... allez bien ?

La juge est surprise de la question et sourit :

— Oui, je vais bien depuis notre dernière… rencontre. J’ai réservé pour la représentation de ce soir, c’était au nom de Mathilde Benoit.

Pendant que Rosa cherche son billet, Mathilde ajoute :

— Vous travaillez au théâtre. Voilà au moins un élément de vrai dans votre très belle plaidoirie, dit-elle avec beaucoup de légèreté.

Bien qu’un peu déconcertée, Rosa se surprend à ressentir un plaisir immense à la revoir. Ces quelques minutes lui semblent irréelles et éveillent en elle une vive curiosité à son égard : est-elle venue seule ou accompagnée ? Vient-elle souvent au théâtre ? Pourquoi a-t-elle choisi cette pièce ? Où est-elle placée dans la salle ? Est-elle venue directement après son travail ? A-t-elle dîné ? A-t-elle participé à l’atelier théâtre de son lycée ? Va-t-elle au marché de la place Renée-Vivien le dimanche matin ?

Rosa profite des places laissées libres pour se placer non loin de Mathilde. Sa présence à quelques mètres lui fait un effet considérable. Impossible de se plonger dans la pièce. Un rebondissement, un silence, une séquence un brin ennuyeuse et son regard quitte la scène. Plus que de la curiosité, c’est une véritable fascination pour cette femme qui lui semble à la fois proche et inaccessible. Rosa est bien décidée à saisir sa personnalité, à connaître son histoire, son entourage, sa vie.

Quelques minutes avant la fin, elle quitte sa place pour reprendre du service au ...

... bar. La juge est étonnamment très à l’aise et va à sa rencontre à la fin du spectacle.

— Vous m’avez impressionnée la semaine dernière.
— Impressionnée ? Que voulez-vous dire ?
— Vous avez été plus talentueuse et habile que bien des avocats qui passent devant le tribunal
— Merci, pourtant, la justice, ce n’est pas mon truc.
— Oui, vous, c’est plutôt « Désobéir » votre truc, répond la juge avec un sourire taquin.

Rosa, agacée par cette allusion, enchaîne aussitôt :

— C’est plutôt le théâtre mon truc, c’est plutôt des femmes qui résistent… des femmes qui sont là où l’on ne les attend pas… C’est le jeu, c’est le mouvement, c’est la vie, c’est la recherche de vérité. C’est la scène, le public, le regard, le corps. C’est tout ça mon truc. Ce n’est pas la salle d’un tribunal où tout est faux, tout est immobile et enchaîné au sens propre comme au figuré, tout répond à des règles déjà écrites. Au théâtre, on sait que tout est faux. Le public sait, les quatre comédiennes de ce soir savent aussi, l’auteur bouscule les règles, il déconstruit les normes, les stéréotypes, crée du jeu, du lien…
— Dommage que vous ne mettez pas plus de conviction dans vos larcins, parce que voler une poule pour une Tzigane, ce n’est pas comme ça que vous déconstruirez les stéréotypes. Dans ce domaine, vous pouvez mieux faire, j’en suis sûre. Pour jouer la comédie, vous êtes en revanche dans votre élément. Quand est-il possible de vous voir ? Il y a peut-être une pièce « Démagogie ».

Puis ...