Rosa et Mathilde - Histoires de Sexe

Rosa et Mathilde

23 h 30, sur les échafaudages de la basilique Saint-Rogatien

La basilique Saint-Rogatien, qui domine les quartiers nord de la ville, a brûlé il y a quelques années déjà. Un poste de soudure mal éteint et c’est toute la charpente du 18e qui s’est envolée. Sa restauration est interminable, les échafaudages sont toujours là et les traces de l’incendie aussi. L’immense édifice est entièrement camouflé derrière une toile blanche et d’un parapluie de chantier. Le tout forme un cube imposant dans le paysage qui ne laisse rien deviner de la vieille basilique.

Rosa et son cousin Paco, essoufflés, ont arpenté les échafaudages du chantier jusqu’à la mi-hauteur. Ils s’adossent sur les barres métalliques tout en surveillant les lieux, mais les seules présences qui les observent sont les statues encrassées de la façade. Un lieu sûr et insoupçonnable pour une planque de quelques heures.

Rosa est en colère et tance son jeune cousin :

— Je préparai ce coup depuis trois semaines, t’avais juste à t’en tenir au scénario et rien de plus ! J’ai pris des risques pour repérer ces gadjé. Le plan était bien ficelé. Il y avait juste à se servir. Un tableau, un e-mac, quelques bling-bling… C’était suffisant pour se faire un beau pactole et toi, tu le fous en l’air pour une putain de volaille !
— Je suis désolé, Rosa. Je voulais juste prendre la poule qui se baladait dans le jardin… une seule. J’savais pas, moi, que c’était si dur de mettre la main sur une poule. Je croyais que c’était ...

... domestiqué ces bestioles… Tu te doutes bien que je l’aurais pas fait si j’avais su que ça réveillerait les voisins.
— Encore heureux qu’on s’est pas fait serrer. Mais lâche cette poule ! Tu ne vois pas qu’elle nous a assez causé d’ennuis comme ça.
— Ben, c’est toujours ça de pris… Et Johnny y sera content, lui, au moins !
— Tu te fous de moi ! Je fais le job depuis des années, j’ai fait des razzias dans des hôtels de luxe, dans des villas que tu n’y imagines même pas et sans jamais me faire choper ! Je prends des risques en repérage et toi, tu nous plantes pour un poulet rôti. On a l’air de quoi avec cette poule ? On a l’air de deux gagne-misères ! Je passe toutes mes journées à essayer de tordre le cou à cette foutue étiquette sur la famille : « les Tziganes, voleurs de poule » et voilà que toi, tu décides de te lancer dans le juteux business alors que t’es incapable de tuer un pigeon !

S’ensuit un long silence.

— Ben, t’es dure… c’est bon, un poulet rôti ! dit Paco
— Je te rappelle qu’on est sur les échafaudages de la basilique pour fuir les flics, tu vas nous faire repérer. Tue-la !
— Quoi ?
— Tue la poule, maintenant !

Paco se débat avec l’origine du fiasco sans pouvoir l’achever.

Rosa abandonne. Elle a percé la toile blanche pour observer la rue, les lumières de la ville, les jeunes ivres qui traversent la place, les volets qui tombent et le léger vent dans les arbres. Une tour de contrôle pour quelques heures, un moment de répit avant de repartir. Demain, ...