1. Si j'étais Jeanne...


    Datte: 14/08/2018, Catégories: revede, nonéro, Auteur: J. Deaux, Source: Revebebe

    ... dira-t-on. Peur de mes pensées, peur de moi, au fond.
    
    Peut-être que si je me laissais aller, je serais même mieux que Jeanne.
    
    J’entrerais dans un sex-shop, achèterais des talons vertigineux, de ceux qu’on ne peut pas porter pour marcher mais qui mettent les courbes en valeur de manière diabolique. Je prendrais aussi un corset noir ; ou un serre-taille, plutôt, avec de la dentelle, qui me ferait une taille de guêpe tout en mettant en valeur ma chute de reins et mes seins. Peut-être, sûrement même, que je prendrais aussi une paire de menottes, sans protections en fourrure, pour sentir la morsure du métal sur ma peau, et aussi un bandeau en velours noir.
    
    Si j’étais comme Jeanne, si j’étais moi, je passerais une ou deux heures dans la salle de bain à me faire belle, à rendre ma peau douce et exempte de poils, à me farder avec soin et après tout ça, j’enfilerais des bas, mon corset, mes chaussures, un long manteau, ou même pas de manteau, juste comme ça. Et j’attendrais mon homme, assise dans le fauteuil de l’entrée, les mains attachées et les yeux plongés dans le noir.
    
    Oui, mais je ne suis pas Jeanne : je suis une misérable coincée qui a choisi comme compagnon un homme persuadé que les femmes n’aiment pas le sexe ; que c’est dégradant – impensable même – pour elles de vouloir sentir la verge de leur homme palpiter dans leur bouche. Un homme pour qui il est inimaginable qu’un autre lieu que le lit conjugal puisse accueillir nos ébats. Un homme qui trouve que faire ...
    ... l’amour dans la journée, ou avec de la lumière, est déjà en soi une folie.
    
    Souvent, je me demande si Pierre a des pensées comme les miennes ; si, au final, on n’est pas en train de rater quelque chose, à vouloir tous les deux être « des gens respectables »… Si ça se trouve, il rêve que je laboure la peau de ses fesses avec mes ongles, ou peut-être même que je verse de la cire chaude sur son torse pendant que je le chevauche.
    
    Si seulement on osait…
    
    Oui, mais non : lui, il déteste Jeanne. Il est comme tout le monde… Il la rejette, la traite de tous les noms… Pour lui, Jeanne, ce n’est qu’une vulgaire allumeuse, plus femelle que femme, indigne d’amour. Si j’étais Jeanne, si j’étais moi, il me quitterait.
    
    Adieu les discussions à bâtons rompus, les câlins tendres sous la couette devant la télé, les promenades main dans la main dans la forêt. Plus de légers baisers sur le front avant qu’il aille travailler, plus sa voix qui me murmure qu’il est l’homme le plus heureux du monde de m’avoir à ses côtés. Plus de Pierre, plus mon cœur qui bat la chamade.
    
    Mais, si je n’étais plus avec lui, je pourrais me trouver un homme qui me comprend, avec qui je me sentirais libre d’être Jeanne, et mieux encore, d’être moi. Ainsi, ça pourrait être moi, et non Jeanne que le charmant Hugo traînerait toute habillée sous la douche pour un moment d’un érotisme intense. C’est pour moi encore que seraient ses écrits émoustillants, moi qui hanterais ses pensées… Et surtout, c’est ensemble que nous ...