1. Si j'étais Jeanne...


    Datte: 14/08/2018, Catégories: revede, nonéro, Auteur: J. Deaux, Source: Revebebe

    Parce que Jeanne n’a pas toujours existé. Parce qu’aussi, être Jeanne n’est pas forcément non plus aisé à certains moments, face à certaines personnes. Parce qu’il a bien fallu l’assumer, cette Jeanne.Et parce que je pense que tout le monde devrait être un peu, voire beaucoup Jeanne (ou Jean, certes).
    
    Assise dans un café, j’écoute Jeanne me raconter ses derniers exploits sexuels.
    
    Ne croyez pas que je sois à l’aise, loin de là. Jeanne parle fort et je suis sûre que les tables autour de nous ne se gênent pas pour écouter la conversation… Mais elle ne semble pas s’en préoccuper… Jeanne parle de sexe comme elle parlerait de cuisine ou de la météo. Avec légèreté, comme si c’était le sujet le plus banal du monde.
    
    Je suis sûre que tout le monde nous entend. Qu’ils ont tous arrêté de discuter pour mieux écouter. Et puis, comment ne pas écouter ? Ce n’est pas comme si nous avions une conversation banale. Pas question avec Jeanne de parler de baisse de rythme, de manque de désir dans son couple ou d’hésitation concernant la fellation que lui réclame son homme. Non : avec elle, c’est textes érotiques, boules de geisha, jeux de rôles, de soumission… et j’en passe.
    
    Alors forcément, les gens ne peuvent pas faire autrement qu’écouter. C’est sûr.
    
    Ils doivent sans doute se dire que c’est une dépravée ; ils la jugent. Ils se disent que cette femme n’est pas saine, qu’elle devrait être internée. Les gens sont cruels. Et comme je suis avec elle, ils pensent pareil de moi, c’est ...
    ... immanquable.
    
    Ils doivent imaginer que, comme elle, j’aime prétendre être une autre et que mon compagnon me bande les yeux lorsqu’il joue avec mon corps… Ils pensent que je ne vaux pas mieux, et que quelqu’un devrait nous punir pour ce que nous faisons. Ils se disent que nous ne sommes que des catins, que nous ne valons rien, que des désirs comme ça ne sont pas normaux… Mais ça, Jeanne n’y pense pas. Ou peut-être qu’elle s’en fout. Oui, elle n’en a juste absolument rien à faire.
    
    Je déteste Jeanne.
    
    Jeanne, c’est moi.
    
    Enfin, non. Jeanne, c’est ce que je pourrais être. Ce que je voudrais être. Ce que je deviendrai, peut-être.
    
    Je crois que j’envie Jeanne.
    
    Je voudrais vivre toutes ses aventures. J’aimerais voir Pierre vêtu d’un uniforme de policier un jour, me parlant d’un contrôle d’identité et le laisser commettre un abus d’autorité sur moi. J’aimerais pouvoir lui proposer de le masser entièrement, avec de l’huile comestible, juste pour me régaler de son corps après. J’aimerais qu’il me prenne sur le canapé pendant qu’une émission insipide passe à la télé, au risque que les voisins m’entendent gémir à travers la mince cloison. J’aimerais le voir nu devant moi et… Non, rien que ça, ce serait déjà bien. Ne pas attendre qu’il dorme pour contempler les courbes de son corps en relevant précautionneusement le drap.
    
    En fait, je ne déteste pas vraiment Jeanne.
    
    C’est juste que je ne suis pas elle.
    
    Moi, j’ai peur. Peur de me lâcher, peur du rejet, peur du qu’en ...
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