1. À peine la rue à traverser


    Datte: 03/04/2022, Catégories: inconnu, revede, Voyeur / Exhib / Nudisme nonéro, Auteur: Mlle Fanchette, Source: Revebebe

    Quand on voit passer sous sa fenêtre un chapeau de paille, une ample jupe longue, on ne peut s’empêcher de les remarquer. L’œil s’attarde à les suivre pendant que se consume la cigarette, trop intrigué, trop surpris pour ne pas accompagner l’inhabituelle silhouette jusqu’au pas de sa porte, jusqu’à la cour, là, tout près, juste en bas, à peine la rue à traverser. Même disparue, elle laisse un parfum de mystère aux mille questions : qui est-elle ? Que fait-elle ? Est-elle nouvelle dans le quartier ou ai-je été aveugle au point de ne pas l’avoir plus tôt remarquée ?
    
    Le temps file, les jours se succèdent et on se rend compte qu’on la guette au fil des cigarettes. Las, arrive le mois des tempêtes, comment reconnaître un chapeau de paille sous la pluie ? Comme en réponse, une silhouette paraît au bout de la rue, bottes de cuir et ample cape drapée. Est-ce elle ? Est-ce la même ? Sans doute oui, qu’importe les doutes de la raison. Elle pousse la même porte, pénètre dans la même cour, là, tout près, juste en bas, à peine la rue à traverser.
    
    File le temps, les cigarettes et toujours malgré soi on l’attend, on la guette. Elle passe chaque jour dans sa cape drapée, c’est tout juste si l’on aperçoit le bout de son nez. La sombre étoffe devient un rêve, une intrigue, un fantasme. Et cette femme… on la remarque, mais on ne la voit pas. Insaisissable mirage qui prend l’esprit en otage.
    
    Alors à ma fenêtre dans la fumée de ma cigarette, je l’imagine, la devine, l’interprète : belle ...
    ... blonde, jolie brune, flamboyante rousse ? Sa démarche décidée, ses courbes esquissées sont mon seul canevas et je la dessine toute entière, corps souple et regard fier. Dans l’ombre du profond capuchon sommeillent tant d’oniriques mystères que, curieux, j’invente en la cherchant. Sans le savoir, elle passe et pousse la porte, entre dans la cour, là, tout près, juste en bas, à peine la rue à traverser.
    
    Un soir de vent et de pluie, je renonce à la cigarette, mais toujours je guette l’intrigante silhouette. Les bourrasques s’engouffrent avec fracas dans la rue quand apparaît l’énigmatique inconnue. La cape s’anime sous les assauts éoliens, je crois entendre un cri, un rire lointain et d’interminables mèches brunes s’échappent soudain. Elle s’ébroue dans la pluie, j’aperçois son regard surpris.
    
    Je savais qu’elle était jolie.
    
    Mais je la vois lever la tête et je referme la fenêtre sans la regarder se hâter vers la porte, vers la cour, là, tout près, juste en bas, à peine la rue à traverser. Sait-elle que je guette le coin de la rue ? M’a-t-elle vu ? Viendra-t-elle encore demain ? Cherchera-t-elle un autre chemin ? Longue nuit de doute et de déroute, mais dans le silence de la chambre, mes rêves ont un tout nouveau visage tendre…
    
    Le lendemain, avec angoisse, je guette, j’en ai même oublié mes cigarettes. L’heure approche, avance et passe sans que ma silhouette ne paraisse. Oh, cruelle ! Pourquoi ce retard ? Reviens vite, il va faire noir ! Ne sais-tu pas les dangers qui ...
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