1. Le petit-malin


    Datte: 12/08/2018, Catégories: nonéro, Humour fantastiqu, fantastiq, Auteur: Philipum, Source: Revebebe

    ... bien futile, déplora le petit-malin en voyant ses descendants engagés dans cette poursuite effrénée.Il vaut mieux, comme moi, rester modeste, même si j’en bave pas mal, se disait-il, peut-être pour se consoler, car ses copies se trouvaient bien démunies lorsque des briseurs-blindés-doubleturbo venaient les coincer et leur faire la peau.Tous ces ustensiles, en fait, sont des encombrements : ils freinent leur multiplication. Mais tiens, au fait, quand j’y pense…
    
    Ainsi naquit le premier malin-forgeron. À la naissance, il était minuscule, nu et vulnérable ; mais il n’était pas sans ressources. Au lieu de recopier tous les accessoires en même temps que le malin lui-même, un forgeron ne recopiait que le savoir-faire ; cela allait beaucoup plus vite.J’ai besoin de ma carapace, se disait un jeune forgeron-tortue, et hop, à force de labeur, à l’aide de marteaux et d’enclumes, il se la construisait, sans oublier, bien sûr, de pondre quelques milliers de bébés. Au fil des générations, il n’y avait pas de limites à ce qui pouvait être inventé : des pieux, des filets, des tentacules… et même des moteurs de propulsion, des détecteurs de marteaux, des grenades pathogènes…
    
    Du moment qu’on pouvait tout se construire soi-même et à volonté, il n’y avait plus de raison de se priver. Les malins-forgerons se munirent petit à petit de véhicules de plus en plus perfectionnés : ils prirent des allures de plus en plus formidables. Et de plus en plus les marteaux, outils de construction ...
    ... indispensables, prirent de la valeur. Les forgerons se spécialisèrent donc dans le rassemblement et le stockage de marteaux.
    
    — Laissez-moi brouter tranquillement mes marteaux, j’en ai besoin pour mes défenses, se plaignit une sorte de hérisson à six pattes, mais le ptérolobyte à dents de sabres ne voulut rien entendre. Son attaque fulgurante au ventre déchira les entrepôts de marteaux du hérisson :
    — Et moi, j’ai besoin de tes marteaux pour mes instruments de combat.
    
    Vous l’aurez compris, le monde des triangles était devenu un champ de bataille impitoyable. De cette compétition farouche pour les marteaux, seuls survivaient les malins qui adoptaient une doctrine sans merci : si l’occasion se présentait d’augmenter son stock de marteaux sans trop de risques ou d’efforts, il fallait la saisir sans hésiter. Un malin bien adapté à ce genre de conditions était la gloutonne. Elle avait développé une énorme gueule pour avaler d’autres organismes et en récolter tous les marteaux en les faisant passer dans un tube digestif, pour finalement rejeter la matière inutile sous la forme d’une masse inerte. Miam, miam, elle se régalait, du moins tant qu’elle ne se faisait pas dévorer par une bête plus agressive ou plus grosse qu’elle.
    
    Une gloutonne aperçut un jour un pachiétosaurodonte et un arachnocraboide géant en train de s’entre-tuer. Quelle aubaine :Plus qu’à les achever, et à moi le festin ! Mais à peine avait-elle fini de manger qu’elle se retrouva face à face avec une ...