1. Le petit-malin


    Datte: 12/08/2018, Catégories: nonéro, Humour fantastiqu, fantastiq, Auteur: Philipum, Source: Revebebe

    Au commencement, il y avait une grande masse solide qui s’étendait d’horizon à horizon. Elle était composée d’une multitude de petits triangles accolés et pétrifiés.
    
    Cela, donc, c’était avant l’arrivée des marteaux. Lorsqu’ils apparurent, en essaims innombrables, les marteaux chamboulèrent complètement l’ordre rigide des petits triangles.
    
    Sous les coups des marteaux, la grande masse de triangles se fragmenta en pièces toujours plus petites. Tels des moutons effrayés, les triangles s’efforçaient de s’agglutiner en troupeaux. Mais plus le groupe de triangles était grand, plus il avait de chances d’être cassé en mille morceaux par un coup de marteau égaré.
    
    C’est ainsi que, dans cette soupe primordiale, un chaos de triangles et de marteaux, des formes éphémères apparurent : des carrés, des losanges, des trapèzes, des myriades de formes diverses, la plupart ne ressemblant à rien, toutes composées de petits triangles qui cherchaient à se rassembler.
    
    Parfois, par pur hasard, les triangles formaient quelque chose qui ressemblait à un bouclier. Les boucliers résistaient bien aux coups de marteau. Avec le temps, puisque les boucliers persistaient, ils se firent plus nombreux parmi les autres formes.
    
    Il apparaissait aussi des formes qui ressemblaient à des jambes, qui fuyaient bien les marteaux. D’autres ressemblaient plutôt à des bras et parvenaient à saisir les marteaux pour les dévier de leur course. D’autres encore ressemblaient à des yeux, des nez et des oreilles, ...
    ... et pouvaient vaguement voir, sentir et entendre les marteaux arriver, pour s’en éloigner. Toutes ces formes proliférèrent dans la soupe primordiale.
    
    Quelquefois, un bras saisissait un bouclier, et cette combinaison avait encore plus de succès pour esquiver les attaques des marteaux. Ou bien, par exemple, des yeux se fixaient à des jambes. À force de collages et de martèlements, d’assemblages et de démantèlements, tous les complexes imaginables étaient générés, les plus abondants étant ceux qui survivaient le plus longtemps aux coups incessants.
    
    Il se produisit alors quelque chose d’extrêmement improbable, quasiment impossible. Mais les innombrables triangles et marteaux avaient une éternité pour interagir dans la soupe primordiale, et la plus remarquable des constructions fut formée par accident.
    
    L’assemblage, que nous appellerons le petit-malin, n’avait en apparence rien de particulier. Aussi incongru que ses congénères, loin d’être le plus grand ou le plus complexe, le petit-malin était composé d’un œil, deux bras, ainsi qu’un certain nombre d’accumulations de triangles aux formes bizarres proéminant çà et là. Ce qui rendait le petit-malin si extraordinaire, c’est qu’il était doté d’un mécanisme automatique qui collectionnait les formes et les assemblait… mais pas n’importe comment ! Lorsqu’un œil, un bras, ou un attroupement de triangles égaré passait par là, il l’attrapait et le mettait de côté ; lorsque tous les ingrédients étaient rassemblés, avec l’un de ses ...
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