1. Addicte (5)


    Datte: 21/07/2018, Catégories: Lesbienne Auteur: Orchidée, Source: Xstory

    ... devant mon air déconfit. Je te choque ?
    
    – Non ! Ta manière de l’exprimer m’amuse, c’est tout.
    
    Enfin non, elle me charmait plutôt, mais pas question de lui dire au risque de rompre l’enchantement. Le regard noisette s’éclipsa un très court instant derrière un battement de paupières appuyé. Laquelle des deux avait touché l’autre resta en suspension dans l’air chaud de l’après-midi.
    
    – Parle-moi un peu de toi, sourit ma complice enfin calmée, tu arrives à t’habituer à la vie parisienne ? Les occasions ne te manquent pas de t’éclater dans le Marais, tu dois faire tourner les têtes.
    
    Compliment sincère ou message déguisé ? Seule certitude, sa mémoire n’avait rien occulté de l’épisode dans les toilettes la semaine passée. Par chance elle ne m’en tenait aucune rigueur.
    
    – Je ne connais pas encore le quartier en fait.
    
    Prise au jeu, je me laissais aller à certaines confidences sans entrer dans les détails de ma vie sexuelle ni de la grande question de mon orientation. Il ne s’agissait nullement d’un manque de confiance, plutôt de la crainte de l’effrayer en endossant un vêtement de victime. Juliette s’amusa bruyamment avec la paille dans son jus d’orange avant de changer de sujet.
    
    – Tu as avancé dans tes recherches ?
    
    Véritable pygmalion, Agnès Vidal me donnait toutes les raisons d’y croire.
    
    – Une réalisatrice a fait le déplacement à Orléans pour discuter avec mon prof d’art dramatique, je crois qu’on va bientôt me donner ma chance.
    
    – Génial ! ...
    ... s’exclama-t-elle sincère. On fait quoi maintenant ?
    
    La nouvelle liberté de Juliette n’incluait pas le changement d’orientation, je n’avais aucune intention de perdre son amitié.
    
    – J’aimerai décorer un peu l’appart.
    
    L’idée de tromper l’ennui au bar dans ma rue s’était imposée naturellement. Passer du temps ici répondait à une exigence naturelle d’identification. Je m’installai au bout du comptoir près de la porte ouverte sur la rue, attentive aux entrées et aux sorties de nanas esseulées.
    
    – Salut, tu veux boire quelque chose ?
    
    Je n’étais pas venue en quête d’une rencontre, mais le lieu induisait une attitude dont je souhaitais maitriser les codes. L’inconnue tourna vers moi une frimousse d’employée de bureau malmenée par ses collègues, du genre à crier « Au viol ! » quand un courant d’air s’infiltrait sous sa jupe. Il ne me vint pas à l’idée de me montrer charitable envers cette nana d’une trentaine d’années un peu paumée.
    
    Sous la chevelure brune flirtant avec les épaules tombantes, je découvris un adorable minois rond, plein, respirant la santé. Les lunettes à fine monture sur un nez droit un peu fort révélaient deux grands yeux noisette noyés dans l’incertitude. La bouche minuscule trembla d’hésitation.
    
    – Une bière, merci, glissa une petite voix aigue, preuve de nervosité.
    
    Un geste à la barmaid, un sourire entendu, on nous servit. Mon invitée resta interdite devant le Vittel rondelle.
    
    – Tu ne bois pas ?
    
    Sans l’avouer, j’estimais avoir beaucoup abusé d’alcool ...
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