1. Luce, bourgeoise adultérine malgré elle (2)


    Datte: 24/06/2018, Catégories: Entre-nous, Hétéro Auteur: Reveevasion, Source: Hds

    ... panique s'empara d'elle et l'immobilisa un long moment. Pendant qu'elle s'efforçait de chasser l'idée que toute la ville était au courant que madame de Saint-Sauveur était revenue de chez son docteur avec les fesses nues, elle prêta l'oreille un peu plus aux bruits alentours car, d'ici, elle entendait des bribes de la conversation des mégères dans le salon adjacent.
    
    - Elle avait l'air bien pressée d'aller soulager son cul pincé la Saint-Sauveur ! lança avec sa gouaille légendaire la poissonnière.
    
    - Surtout qu'avec la vie qu'il mène à Paris, c'est pas l'Henri qui doit le desserrer, son popotin ! s'esclaffa la charcutière, toujours au sommet en matière de vulgarité.
    
    - Moi, je ne lui ai pas trouvé bonne mine, cette femme est malheureuse. J'aurais tendance à la plaindre, objecta la mercière.
    
    - Tu ne va pas imiter la de Joncour qui n'arrête pas d'en faire une martyre tout en ne se privant pas de la critiquer ! s'insurgea la crémière, toujours aussi fouinarde.
    
    - Oh la cocue ! Elle ferait mieux de surveiller son dévergondé de mari, ajouta, non sans succès, la quincaillère, farouche grenouille de bénitier.
    
    - Eh oui ! deux femmes cocues ça se rapproche, ponctua la teinturière, qui ignorait qu'elle en faisait une solide troisième.
    
    La haine de cette ville et de ses habitants qu'éprouvait Luce n'en fut que consolidée, car elle n'ignorait rien de l'agressivité et des ressentiments dont elle était la cible. Elle éprouva alors le besoin de leur imposer son dédain en ...
    ... revenant s'asseoir au salon cuirassée de sa dignité dédaigneuse. En s'essuyant l'entrecuisse, elle sentit sous le frêle papier palpiter ses chairs sous l'effet d'une mémoire revendicative des émotions troublantes ressurgies chez le docteur. Sa main osa s'attarder et elle en tira une béatitude consolatrice et réconfortante qui lui fit savourer le privilège de sa féminité triomphante pour l'imposer à ce quarteron de matrones aigries. Remaquillée et réajustée, son retour dans le salon les plongea dans une confusion silencieuse. Elle savoura cet instant victorieux jusqu'à ce que leur caquetage reprit après une pause consacrée à un engouffrement écoeurant de crèmes au beurre, pâtes à choux, fruits confits et autres douceurs compensatoires.
    
    - Vous avez appris la nouvelle ? dit la poissonnière en se gargarisant de gloussements convulsifs telle une perruche orgueilleuse, le Pierre Desmond est sorti de prison.
    
    - Eh bien ! répliqua la bigote, si tout le monde avait fait son travail pendant l'épuration on n'en serait pas à supporter de telles horreurs !
    
    Luce marqua le coup. Son coeur se mit à battre si fort qu'elle en ignora les pérores qui alimentaient leur jacasserie d'un flot d'insanités populistes. Son regard se perdit loin, très loin en arrière sous la brume d'un voile nostalgique.
    
    C'était à l'automne 1944. Elle avait reçu un mot par porteur : "Madame, pouvez-vous vous rendre au local de la police française et demander exclusivement Pierre Desmond. Il s'agit de la sécurité ...
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