1. L'Usurpatrice (2)


    Datte: 12/06/2018, Catégories: Divers, Auteur: Sharhajar, Source: Xstory

    ... j’évacue la perte de la femme de ma vie dans le pieu de deux inconnus. Cela faisait maintenant quelque temps que j’échangeais avec un couple sur Tinder. La vingt-cinquaine, plutôt mignons, assez emmerdants pour être honnêtes. L’homme était un bel éphèbe noir, le cliché du fantasme colonial : glabre à l’exception du sexe, musclé, viril. Je pouvais sentir son musc juste en regardant ses photos. La femme était plus insipide, plus jeune. Un petit carré blond surplombant une belle poitrine, quelques rondeurs, pas un grand intérêt à mes yeux. Le plan s’annonçait foireux dès le départ, les photos de Madame étaient maladroites, elle manquait de confiance en elle. Non. Elle empestait le doute et la peur de l’autre. À côté de cela, elle semblait particulièrement affectionner les sextos – pratique dont l’érotisme est pour moi à peu près équivalent à celui d’une huître.
    
    Monsieur n’avait pas le droit de m’envoyer de choses...
    
    Trop olé olé. Madame était jalouse, possessive, peur que je le lui vole peut-être. Elle avait sûrement raison de se méfier, physiquement, elle ne le méritait pas. Nous devions nous rencontrer la veille, mais elle m’avait contactée de son côté.
    
    Une femme charmante. Alcoolisée sûrement. Hors de question qu’une petite pute comme moi se tape son... Je devrais changer les noms. Peu importe. Hors de question qu’une petite pute comme moi se tape son Bastou, elle me tuerait, j’avais intérêt à refuser et à aller baiser le mec d’une autre meuf. Charmante, je ...
    ... vous dis.
    
    Je ne suis pas du genre à me laisser intimider, ou insulter. D’ordinaire, j’aurais feint l’ignorance et baisé son homme juste pour la détruire, elle qui venait me défier. Mais c’était l’un de mes rares séjours chez ma petite amie – voulais-je vraiment gâcher une heure lovée entre ses bras juste pour un coup minable et sans envie ? La réponse était évidente : maintenant que j’étais célibataire, bien sûr que oui. Je les recontactais donc, jubilant à l’idée de voir la mine déconfite de Madame.
    
    Une heure passa. J’étais sobre. Deux heures s’écoulèrent. J’étais malheureuse. Ce qui semblait être une éternité s’écoula. J’étais haineuse. Ce temps perdu à errer dans la ville, fumant clope sur clope, puis roulant joint sur joint, me faisait réaliser à quel point j’étais seule sans elle. Et je venais de la faire disparaître. Pour la première fois depuis cinq ans, j’étais réellement seule.
    
    Une vibration me sortit de ma torpeur. Mes doigts crispés autour de mon bigot étranglaient une notification scintillante.
    
    — Pas de soucis. Dispo pour un café avec nous cet après-midi ? On est vers le Sacré-Cœur.
    
    (J’adapte le langage SMS pour les doyens et les âmes sensibles du site.)
    
    Cette nuit, j’éteignais mon cerveau et je laissais mon corps s’embraser. Comme pour donner raison à cette promesse muette, mes écouteurs entonnèrent le refrain de la MZ :
    
    Faire l’amour est une chose,
    
    Baiser en est une autre.
    
    Vu que nous sommes accros l’un de l’autre,
    
    Allons jusqu’à ...