1. Les Veilleurs (1)


    Datte: 02/07/2021, Catégories: Hétéro Auteur: Doogy Woogy, Source: Xstory

    Novembre avait invité l’hiver à passer le week-end chez lui. Puis il avait tapé l’incruste ! Les sommets des tours du quartier s’entêtaient à accrocher le brouillard. Il marchait lentement, tirant de grandes bouffées sur sa cigarette. D’une pichenette de l’index, il envoya valdinguer le mégot qui atterrit en crépitant dans la fine pellicule blanche qui recouvrait le sol. La neige amortissait le bruit de ses pas sur le trottoir ; cela compensait le fait que sa silhouette noire se détachait plus facilement sur le décor urbain saupoudré de blanc. Il avait pour habitude de déambuler la nuit dans les rues de la ville où il se fondait dans l’environnement, toujours chaudement vêtu de son lourd manteau noir. Il portait en outre toujours un pantalon de la même couleur. Selon l’intensité de la fraîcheur, la panoplie se complétait d’un bonnet, d’une écharpe et de gants tout aussi obscurs.
    
    Toujours il essayait de rester masqué dans l’obscurité qui lui permettait d’observer sans être vu. Ce n’était aucunement la crainte d’une mauvaise rencontre qui le motivait : sa carrure le mettait à l’abri de la plupart des mauvaises situations. Les rares fois où un individu avait eu l’intention de lui jouer un mauvais tour s’étaient soldées par un mouvement de retraite du pseudo-assaillant lorsque, en levant la tête, son regard devait parcourir les cent quatre-vingt quinze centimètres de muscles plantés devant lui. Certes, il n’était pas évident de cerner l’exacte quantité de cette musculature ...
    ... sous l’épais manteau, mais sa stature imposante et assurée ne laissait aucunement l’envie de venir vérifier, si bien que le quartier qu’il fréquentait le plus bénéficiait d’une relative sécurité. En quelque sorte, il ne faisait qu’exercer son métier à titre privé.
    
    Il bossait de nuit pour une société de gardiennage, et pour ne pas perdre le rythme il se couchait rarement avant trois heures du matin lorsqu’il ne travaillait pas. Il avait parfois d’autres façons d’occuper ses nuits blanches mais il aimait se promener seul dans la ville la nuit. Parfois il lui arrivait de croiser une personne avec qui il échangeait quelques mots. Il avait la réputation dans le quartier d’être taciturne ; certains le considéraient comme un loup solitaire, d’autres l’appelaient « le chat noir ». Il y avait quelques surnoms tout aussi révélateurs : « le fantôme » et « le veilleur » étaient les plus courants. Malgré tout, peu de personnes parvenaient à comprendre la raison de ce mode de vie particulier. On lui attribuait un chagrin immense qu’il n’avait jamais réussi à surmonter, une froideur naturelle qui le faisait fuir ses semblables, une rigueur extrême qui l’obligeait à maintenir un semblant d’ordre implacable sur son environnement. D’autres, encore plus farfelus, entretenaient un début d’aura légendaire : on disait qu’il ne dormait jamais, qu’il se fondait dans l’ombre comme un spectre.
    
    Il avait effectivement un peu de mal avec ses contemporains, qu’il considérait le plus souvent comme des ...
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