1. Place Kléber


    Datte: 29/05/2021, Catégories: amour, dispute, nonéro, Humour amourdura, Auteur: Fisherman, Source: Revebebe

    — Stéphane, si tu allumes une autre de tes foutues cigarettes, je te jure que je me paye le luxe de vomir en jets sur toi, c’est bien clair ?
    
    Interrompant la fouille méthodique de ses poches, il tourna le buste et lança vers elle un regard empli d’une interrogation candide. Elle ne le vit pas ; elle était campée devant l’une de ces innombrables baraques « attrape-couillons » qui poussent comme du chiendent au centre-ville de Strasbourg, aux abords de décembre et toute son attention était à l’inhalation d’une bougie parfumée imitant à la perfection une part de Forêt Noire, sous l’œil circonspect d’un vendeur roumain emmitouflé jusqu’aux narines. Stéphane soupira profondément en essayant d’éviter le regard goguenard des passants : quand Anne-Sophie avait décidé d’être entendue, elle se débrouillait plutôt bien, en général. Grâce à une parfaite maîtrise du timbre de sa voix - une aptitude vocale paranormale, pensait-il - elle eut été capable, sans hausser le ton, de faire profiter de leurs chamailleries une pleine salle de concert. Mais cela, elle le faisait toujours avec classe, sans se départir de son calme, de manière à ce que les regards convergent plutôt sur celui à qui avait été adressé le message, plutôt que l’émettrice elle-même. Plusieurs fois, Stéphane avait été tenté de la taxer de mastroquette mondaine, mais il s’en était bien gardé, mettant sérieusement en doute les propensions auto dérisoires de sa nouvelle conquête.
    
    Six mois qu’ils se fréquentaient ...
    ... maintenant. Ils formaient un vrai couple des temps modernes : s’étant rencontrés sur Internet, ils vivaient leur relation à distance, chacun chez soi, se voyant au gré de leurs envies, parfois chez l’un, parfois chez l’autre. Il avait dû se résoudre à changer quelques-unes de ses petites habitudes sans que cela ne lui pèse le moins du monde, du moins, au début. Les accords furent posés, on discuta beaucoup de certains points rédhibitoires : les poils de chien sur le canapé, la fraîcheur du linge de lit, la fumée de cigarettes notamment, mais il fallut bien admettre que la liste des choses qui incommodait Anne-Sophie se révéla comme étant d’une exhaustivité très relative. Anne-Sophie s’auto qualifiait souvent de « pas chiante » et de fille plutôt simple. Stéphane choisit de la croire sur parole au début, mais bien vite il émit quelques doutes sur la question, lorsqu’un beau soir de printemps, elle lui fit une remarque cinglante sur la manière déplorable qu’il avait de plier ses chaussettes, sans les avoir préalablement repassées. S’ensuivit un laïus interminable sur le manque de soin des gens en général, des hommes en particulier.
    
    Pour l’heure, elle avait choisi de le rejoindre à Strasbourg, où il résidait, pour fêter Noël avec lui, en amoureux. Ce dernier mot était tombé comme un couperet lorsqu’elle lui en avait fait la demande par téléphone, quinze jours auparavant, l’enveloppant du coup de propriétés oppressantes indiscutables. Des soirées durant, il employa son temps libre à ...
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