La falaise (1)
Datte: 04/05/2021,
Catégories:
Divers,
Auteur: Doogy Woogy, Source: Xstory
Une profusion de variétés végétales dispersait leur parfum dans les allées que des pins maintenaient à l’ombre. Les massifs de millepertuis bourdonnaient d’abeilles. En contrebas, les vagues régulières se lançaient à l’assaut de la plage. Leur lointain tumulte, précédé de senteurs marines, complétait cet idyllique tableau. Des troupes encore sporadiques de touristes, aux accents internationaux, arpentaient les allées d’un pas lent et solennel. D’autres foulaient le vert tapis d’un gazon à la coupe parfaite. Des conversations émaillaient le déplacement de ces bataillons épars ; la brise déportait le cri strident des palmipèdes. Parmi les piafs égayant le défilé de leurs chants perpétuels, les merles dans leurs habits de deuil n’étaient pas les derniers.
Fiona avait les yeux rougis de pleurs qu’elle n’avait à aucun moment imaginés. Elle était venue seule de son lointain pays ; cette visite n’aurait dû être qu’une formalité envers ce lointain ancêtre qui n’avait guère foulé le sol de cette contrée. Pourtant, l’oppressante sévérité du site l’avait envahie. Appuyée à la balustrade, le bleu de ses yeux perdu sur l’horizon azuré, elle tentait de restituer à cette terre les sentiments surgis à la lecture du nom familial sur la simple croix blanche.
Julien arpentait les allées du musée, s’arrêtant à chaque vitrine, chaque objet, lisant chaque panneau explicatif. Il avait songé suivre le fil de l’exposition en dilettante, en écoutant ses musiques favorites. Il s’en était ...
... abstenu, d’autant plus que l’animation sonore concourrait à l’ambiance de cette présentation. L’accumulation des objets de l’époque – pour certains retrouvés rouillés enfouis dans le sable –, l’énumération des quantités pharaoniques de matériel, du nombre de personnes ayant pris part à l’évènement, tout cela engloutit peu à peu Julien dans une gangue d’un pourtant sain malaise. Il monta les escaliers, renouant avec la lumière de cette journée ensoleillée. Enfin dehors. Il inspira comme s’il émergeait après une apnée trop longue.
Errant dans les allées sans trop savoir ce qu’il cherchait, tel un bourdon s’entêtant contre une vitre, il écoutait des bribes de paroles des gens qui l’entouraient, tout aussi déboussolés que lui par la sinistre histoire qu’ils venaient de revivre, de réentendre ou redécouvrir. Il avait envie de remercier ces gens pour le sacrifice de leurs ancêtres, pour le courage et l’abnégation de ceux qui n’étaient pas tombés. Julien était encore trop groggy de la masse d’informations fournies par le musée. Il préféra patienter, recouvrer ses esprits. La mer avait presque un air de tableau de Van Gogh où le vert des arbres aurait remplacé le jaune des tournesols. La balustrade offrait une vue imprenable sur le haut des falaises ou un appui pour soulager une âme éprouvée. Tout s’était déroulé en contrebas, qui restait pourtant invisible. Tout ici respirait le calme maintenant.
Julien tourna la tête. Sur sa droite, une jeune fille esseulée essuyait ses yeux aussi ...