1. Deuxième dialogue


    Datte: 20/04/2021, Catégories: telnet, cérébral, revede, Auteur: Auteur anonyme, Source: Revebebe

    Après un premier dialogue avec Mireille, je me prépare à lui raconter une nouvelle histoire.
    
    La journée du lendemain me parut interminable. Impossible de me concentrer sur mon travail. Déjà, la nuit avait été agitée, et c’est dans un demi-sommeil que j’essayai d’élaborer un nouveau scénario qui ne déçoive pas ma correspondante. La satisfaction qu’elle semblait avoir manifestée après mon premier récit était un véritable piège. Il me fallait maintenant relever le défi, et être à la hauteur de l’attente que j’avais suscitée par ma première tentative. Toute la journée, j’avais réfléchi à la nouvelle histoire que j’allais lui présenter.
    
    Mais, insidieusement, presque à mon insu, je ne n’arrivai plus très bien à séparer réalité, récit et fantasme. Avais-je envie de vivre l’histoire que je lui préparais ? Avait-elle envie de la vivre ? Etais-je en train d’écrire, sans le savoir, l’histoire que nous allions vivre ? Devant la confusion dans laquelle m’avait plongé ce dialogue spontané, je décidais de ne lui raconter que des histoires auxquelles je serais volontiers associé, et éviter tous fantasmes que je ne saurais partager.
    
    L’heure tant attendue arriva enfin. J’en avais même oublié de consulter mon portefeuille boursier et, en allumant mon minitel, je me connectai immédiatement sur « Ose ». La liste des présents sur le serveur se déroulait sous mes yeux avec son lot, désormais familier, de pseudos en tout genre. Manquant encore d’imagination, je m’étais inscrit simplement ...
    ... sous mon vrai prénom : Serge. Trois, quatre balayages de la liste des connectés m’obligèrent à conclure que Mireille n’était pas là.
    
    Combien de temps devais-je rester connecté, en 3615, à un franc la minute, avant de renoncer ? Et puis, même pas envie de commencer un autre dialogue, ou de répondre aux invitations de « lèvres en feux » et « jeveux1hom1vrai ». Seule Mireille m’intéressait. Je voulais absolument savoir qui se cachait derrière ce prénom et ces désirs.
    
    Tout d’un coup, une ligne apparaît en haut de l’écran :« vous avez un message de Mireille ».
    
    Là il est peut-être bon de préciser qu’en ce temps-là, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, l’affichage des minitels était en noir et blanc, sans fioriture graphique. Du texte, rien que du texte, pas d’émotion comme sur les « Chat » d’aujourd’hui. Mais je ne crois pas que l’émotion qui m’étreignit à ce moment eût été plus forte si « Mireille » avait été entourée de cœurs clignotants et était apparue au son des trompettes !
    
    — Bonsoir, je suis là, merci d’être revenu. Au fait, merci qui ?
    — Serge, vraiment Serge, désolé de n’avoir pas eu l’imagination fertile au moment où je me suis inscrit. Merci à toi d’être revenue. Mireille ? Vraiment Mireille ?
    — Oui, vraiment. Excuse-moi d’avoir coupé trop vite hier soir, mais le maître de céans rentre tous les soirs vers sept heures, je ne peux pas rester au-delà. Nous avons une demi-heure ce soir. Tu me racontes encore une histoire ?
    — Je te réserve la ...
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