Pour un air de guitare
Datte: 26/03/2021,
Catégories:
fh,
ff,
copains,
plage,
amour,
revede,
nostalgie,
Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe
... baigner après avoir traversé la plage, guidés seulement par le bruit des vagues. Nous étions nus, ne distinguant de nos corps allégés que des silhouettes qui couraient sur fond de voûte céleste. J’avais l’impression de m’envoler vers les étoiles. Cet Éden nocturne était un théâtre d’ombres, un jeu de désir et de séduction. L’eau n’était pas froide ; elle était même torride. Pendant que Mariska et Seer s’aimaient debout avec des mots câlins en néerlandais, j’ai tenté d’atteindre Carina pour l’embrasser, mais elle nageait comme une sirène et a disparu pour réapparaître sur la plage en se moquant gentiment de moi.
Une fois séchés et rhabillés, nous nous sommes endormis sur le sable, blottis les uns contre les autres. J’étais appuyé contre la belle Carina. J’ai parfois retrouvé sur d’autres femmes ce parfum naturel qui me rend fou. Le son de sa respiration se mêlait à celui de l’océan. Troublé par cette présence, je n’ai pas dormi. L’aurore a réveillé les autres. Il me semble ne jamais avoir vraiment quitté cet endroit.
Sur la route du retour, elle nous a dit qu’elle ne pourrait pas enchaîner une nouvelle année avec nous, car elle devait de faire opérer d’une petite tumeur à l’ovaire. Elle nous a demandé de ne pas nous inquiéter – impossible, bien sûr. Pour cela, elle allait rentrer auprès de sa famille, au Portugal.
Vingt ans plus tard, nous ne l’avons jamais revue. Elle n’a pas répondu à nos lettres des premières années, remplies de points d’interrogation. Quand nous ...
... nous revoyons, nous les trois garçons, ce qui se produit régulièrement, car nous habitons la même région, nous évitons d’en parler, pour ne pas réveiller de vieux démons prêts à surgir pour dévaster notre amitié. Cela crée comme une gêne entre nous.
J’habite, à la Défense, un immeuble de grande hauteur. Quelquefois, dans les nuits d’hiver, j’entends encore la chanson de Carina dans le souffle du vent glacé qui s’engouffre entre les tours noires de ma cité que je regarde par la fenêtre, tandis que ma femme dort près de moi. Quand je regarde en bas, vingt étages de vide et d’obscurité me donnent le vertige. Autant que d’années passées loin d’elle. Je crois reconnaître son visage au fond du gouffre où surgissent seulement quelques lueurs de phares. Dans mes moments de grande tristesse, j’ai parfois éprouvé la tentation de la rejoindre en sautant. Ce qui m’a retenu, c’est l’intuition qu’elle m’attend et que nous sommes appelés à nous revoir. C’est aussi l’air frais du matin qui, provisoirement, estompe l’ombre les mauvais songes.
Hier, en rentrant du travail, cet air de guitare s’envolait d’une boutique de vêtements féminins devant laquelle je marchais, ébloui par la lumière en sortant du métro. Peut-être que j’ai confondu la chanson avec une autre, ou bien rêvé, à cause des insomnies qui me causent parfois d’étranges illusions où le présent se mêle au passé lointain. Qu’importe : je suis entré. Mariska était là. Nous nous sommes immédiatement reconnus et fait la bise, comme ...