COLLECTION JEUNE – VIEUX. Les moineaux (1/2)
Datte: 21/03/2021,
Catégories:
Entre-nous,
Hétéro
Auteur: CHRIS71, Source: Hds
Que fait ce jeune homme tout seul, tous les samedis après-midi dans les jardins du Luxembourg, assis sur le même banc à repousser les pigeons pour que les moineaux viennent picorer les boulettes de pain de mie sorties du paquet posé à son côté ?
Il semble bien seul et bien songeur.
À 60 ans, je commence à me défraîchir, mes mains commencent à perdre leur rondeur, mes tendons commencent à être plus découpés.
Quand je dis 60, c’est un peu exagéré, j’ai 59 ans 1/2.
J’ai toujours fait comme cela.
Ça faisait hurler Charles avant qu’il ne me quitte il y a presque 10 ans, j’avais 50 ans, voyez, je suis indécrottable, j'avais 49 ans ½.
Dès le lendemain de mon anniversaire, je donne toujours l’âge que j’aurai dans un an, c’est pour cela qu’il râlait, il avait horreur que je me vieillisse.
Est-ce le fait qu’il avait cinq ans de plus que moi, je ne le saurais jamais ?
Depuis, je vis pour deux choses : sa tombe que j’entretiens tous les matins ainsi que celle de mes parents et de mes grands-parents.
J’apporte des graines que je donne aux pigeons et moineaux qui pullulent dans ce cimetière Montparnasse situé à quelques centaines de mètres de chez moi.
J’habite dans le boulevard du même nom que le cimetière.
J’ai un appartement de quatre pièces acheté avec Charles, dès que la pharmacie, qu’il avait acquise dans ce même quartier eut dégagé des bénéfices importants, car le prêt que nous avions fait avait été remboursée.
Il disait toujours que ce serait ...
... notre capital pour nos vieux jours.
Nous rêvions de la vendre pour nous retirer en Bretagne à Quiberon où nous avions la maison de pécheur de ses parents.
J’y vais encore tous les étés pendant trois mois, de juin jusqu’à septembre, avec retour à Paris à la fin des beaux jours mais surtout avant le froid.
La maison de Quiberon étant mal isolée, je me mets le chauffage hors gèle ce qui ne me revient pas trop cher.
Dans cette maison que j’entretiens au minimum, le bateau de pêche du papa de Charles est en cale sèche sur une partie de la pelouse.
Il commence à se défraîchir, mais il est là comme souvenir.
Je rechigne à m’en séparer, sur l’arrière, est gravée une date, 1902, il a 116 ans.
Juste après sa mort, je l’ai fait mettre là alors que lorsque nous prenions quelques vacances, il partait en mer et nous ramenait bars et autres maquereaux qui constituaient notre principale source d’approvisionnement avec les fruits de mer qu’il rapportait en remontant de sa pêche.
Je fais attention à l’argent car bien que je n’aie pas eu d’enfant, je n’ai jamais travaillé.
J’étais à 100 % au service de mon mari du matin où le réveil sonnait à 6 heures jusqu’au soir 22 heures.
À cette heure immuable, il éteignait la télé, films ou émissions qu’il avait choisi terminés ou pas, il coupait pour ne pas gêner les voisins.
C’est à 22 heures que, deux fois par semaine, j’avais mon moment de plaisir.
En hommes réglé comme du papier à musique, il me faisait voir qu’il ...