1. Kukac Arrobe


    Datte: 18/03/2021, Catégories: nonéro, exercice, revebebe, Auteur: Jane Does, Source: Revebebe

    Quelle gloire, quel honneur ! Il n’avait jamais réussi aussi bien. Kukac Arrobe entrait enfin dans la lumière. Il gagnait des galons. Comment pallier une vie misérable, se venger d’une société farfelue, si ce n’était en dézinguant son élite ? Et depuis quelque temps, il y parvenait à merveille. Peu importait que ses phrases ne soient ni belles ni gentilles ; sa seule source de plaisir ne pouvait plus lui échapper. Alors à coup de mots qu’il voulait, croyait spirituels, il taillait dans le vif du sujet.
    
    Kukac n’était ni beau ni moche. Enfin c’était un type quelconque sur qui aucune femme ne se retournait vraiment lorsqu’il passait dans les rues de son Budapest natal. Il était jeune loup, fier des trois bandes de son drapeau, fier de ce qu’il était. Mais qu’était-il en fait ?
    
    Un brave gars qui avait traversé vingt petites années étriquées d’une vie sans vraie saveur, si ce n’était celle de croire en un avenir meilleur. Mais pour cela, il aurait fallu se le forger et le travail rebutait un peu notre Kukac. Son père avait pris sa valise dès que le ventre rond de Vilma, sa mère, avait affiché un embonpoint fort peu gracieux. Il avait fui ce contenu pourtant semé avec emphase, un soir de bonne fortune.
    
    Alors notre coq avait grandi entouré de l’affection exclusive d’une mère qui trimait du matin au soir, dans les champs, sans trop de temps pour encadrer les études de son gamin gardé par celle-ci ou celle-là de ses amies disponibles. Puis le ciel rouge de l’Est s’était ...
    ... entrouvert et une liberté toute nouvelle avait pour un temps séduit la paysanne. Mais le gosse, lui, restait taciturne, toujours à la limite de la violence, sinon physique, du moins verbale. Et il était toujours difficile de refaire une éducation manquée.
    
    Oh ! Il avait bien tenté de séduire quelques jeunes filles, mais comme la plupart d’entre elles avaient un minimum de culture, au bout de quelques jours, le zigoto ne pouvait plus faire illusion. Chaque fois, il se retrouvait à la rue avec pour seul refuge les jupons amples d’une maman fatiguée. Mais pour Kukac, c’était normal, comme si le fait de vivre aux crochets de cette femme lasse était un droit inaliénable. Et si d’aventure la soupe n’était pas assez chaude, trop salée, trop ceci ou pas assez cela, la pauvresse en entendait de toutes les couleurs.
    
    Seulement, parfois la vie rattrape durement les simplets et un matin d’octobre Vilma n’avait pas remis une bûche dans le fourneau, Vilma n’avait pas préparé le thé du petit déjeuner du seigneur Kukac. Alors ivre de rage, il s’était précipité dans la chambre de cette fainéante, bien décidé à la sermonner. Quand il avait compris que c’était vers Saint Pierre qu’il lui faudrait se tourner pour qu’elle se remue désormais, aucune larme n’était venue ternir les yeux, gris métallique, masculins.
    
    Pour la première fois de sa vie, le type se sentait bizarrement esseulé, mais qu’à cela ne tienne, il trouverait bien ici ou là, une copine pour pleurnicher sur son épaule. Aussi vite ...
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