Douze mètres sous la surface, Alain et Eve... - Histoires de Sexe

Douze mètres sous la surface, Alain et Eve...

... dernier cri.

— Bienvenue dans ta nouvelle demeure, m’avait congratulé Alain, en pressant doucement mes épaules osseuses.

Puis, un sourire jusqu’aux oreilles, il m’avait fait visiter son chez-lui, heureux comme un gosse partageant ses jouets. Un gosse trop seul qui se serait enfin trouvé une petite copine.

Dans la pièce de stockage, je n’avais pas pu m’empêcher de chialer, en voyant toute cette bouffe sur les rayonnages. Si nous avions eu ça, Piotr serait toujours en vie, le cauchemar n’aurait jamais eu lieu…

Pour fêter mon arrivée, mon prince m’avait concocté le soir même un véritable dîner aux chandelles.

— Waouh ! On devrait pas plutôt garder les bougies, au cas où il y ait une panne ? avais-je protesté, mal à l’aise devant ces attentions un peu trop charmantes.
— T’inquiète pas, on en a suffisamment pour nous éclairer jusqu’à la fin des temps. Et de toute façon, si la génératrice nous lâche, on est cuit.
— La fin des temps, on y est peut-être déjà, avais-je murmuré, lugubre comme moi seule sais l’être.
— Tu préfères qu’on rallume ?
— Non, non ! Laisse ! C’est très bien comme ça…

Puis je lui avais souri, le plus gaiement possible, comptant sur la pénombre pour dissimuler mes yeux rougis. Gâcher l’ambiance n’était pas une nécessité absolue, n’est-ce pas ?

— Profitons plutôt de ce repas de fête. Après tout, c’est en mon honneur !

Il avait acquiescé, un rictus inquiet au coin des lèvres. J’avais goûté un peu de tout, et c’était vraiment excellent. ...

... De toute façon, après une semaine de rations de survie et de poches de réhydratation, rien ne pouvait être moins qu’excellent. Et puis, me voir me jeter sur la nourriture, ça ne pouvait que le rassurer.

— Hummm ! T’es doué, pour la bouffe ! avais-je baragouiné, la bouche pleine. Elle avait du bol, ta femme…

Alain a soudain détourné les yeux. Et merde ! Bravo, la finesse… Nous sommes restés silencieux un moment, chacun plongé dans son puits de souvenirs.

— Parfois, et bien… j’ai la faiblesse de croire qu’elles ne sont pas mortes, avait déclaré Alain, après une longue hésitation. Je me dis qu’il y a d’autres abris où elles auraient pu trouver refuge, avant que les bombes leur tombent dessus. Tu dois trouver ça con, non ?
— Ça, tu vois, c’est toute la différence entre nous. Moi, je n’ai plus rien à attendre. Mon mari s’est sacrifié ; il a voulu que je vive, et il en est mort. Tandis que pour ta femme et ta fille, il existe encore un espoir. Une chance infime, à peine un grain de sable dans l’univers. Mais la possibilité n’est pas complètement nulle. Alors non, que tu continues de croire qu’elles puissent être toujours vivantes, je trouve pas ça si con…
— Eh ben dis-donc ! Si ça, c’est ta plus longue tirade depuis qu’on s’est rencontré !
— Vas-y, fiche-toi de moi !

Je lui ai balancé ma serviette. Ensuite, nous avons trinqué. Pas mauvais, son Bordeaux !

Je m’étais bâfrée à m’en rendre malade. D’ailleurs, j’ai vomi toute la soirée, mon estomac appréciant modérément ...