1. Douze mètres sous la surface, Alain et Eve...


    Datte: 03/03/2021, Catégories: nonéro, mélo, sf, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    ... les yeux sur mon assiette, où un œuf cru et glaireux coiffait un steak tartare de belle taille. Je réprimai une grimace horrifiée ; la surface de la viande en putréfaction grouillait d’asticots.
    
    — Bon dieu ! Mais c’est quoi, ça ?
    — Prenez et mangez, ceci est mon corps, qui sera livré pour vous, clamèrent les convives. Prenez et buvez, ceci est mon sang…
    
    Chacun se saisit de sa coupe et la vida d’un trait, sans se soucier des souillures d’hémoglobine qui maculaient bouches et mentons.
    
    — Je veux que tu vives, tu comprends ? hoqueta la tête aux yeux révulsés. Même si pour cela, je dois nourrir ces porcs pour l’éternité…
    
    Le regard halluciné, je vis le sang frais affluer à nouveau dans les coupes, qui furent bientôt pleines. C’en était trop. Je déposai un baiser sur le front de Piotr, puis, en larmes, je quittai la salle, m’enfonçant dans les ténèbres de l’abri.
    
    ooOOoo
    
    — Encore ce cauchemar ? me demanda Alain, reposant sa tartine à peine entamée à côté de son bol.
    
    Je hochai la tête, hypnotisée par la gelée de groseille couvrant la tranche de pain généreusement beurré. Je n’avais quasiment rien avalé depuis trois jours, et ça commençait à inquiéter mon compagnon d’infortune.
    
    — C’est plutôt compréhensible, Eva, après ce que tu as vécu.
    — Mouais… Je devrais pas me plaindre, je suppose. Pour quelqu’un qui a dû bouffer son mari pour survivre, je réagis pas si mal.
    — Ça tient toujours pour le Xanax, tu sais. On en a assez pour fournir tout un quartier de ...
    ... Paris…
    
    Avec ce qui restait de la capitale, mon brave Alain ne s’avançait pas trop. Mais non, si ça devait passer, ça ne serait pas à coup d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs.
    
    — Allez, mange un peu ! T’es encore pas bien solide sur tes jambes.
    — Pas faim. Et si tu savais ce qu’elles te disent, mes guibolles…
    — Je m’en doute !
    
    L’estomac noué, je regardais Alain finir son petit-déj en silence. Cela faisait deux semaines qu’il m’avait ramenée dans son abri, véritable trophée humain arraché à la faucheuse. Enfin, quand il s’était penché sur les draps souillés de pisse qui m’emmaillotaient, je tenais plus du fétu d’os sous de la peau tendue. Mais ne soyons pas amère. Après tout, je lui devais réellement la vie…
    
    Finalement, je gobai un peu de crème de marron à même le tube. Mon péché mignon, et surtout le seul truc qui passait. Puis je me secouais un peu et aidai Alain à ranger les restes de notre collation vite expédiée. Réprimant les tremblements dans mes doigts, je réussis à laver les bols sans les casser, avant de les mettre à sécher près de l’évier. L’effort me faisait tourner la tête, mais je n’en laissai rien voir. Aucune envie de donner raison à mon bon samaritain.
    
    Cachant mes mains décharnées dans les poches de mon sweat trop large, je le suivis hors de la cuisine.
    
    ooOOoo
    
    Lorsque j’ai découvert l’abri des Suisses, je n’arrivais pas à y croire : on avait échangé mon camp de concentration contre un hôtel de luxe ! C’était tout simplement somptueux. Et équipé ...
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