Kentin 7 Souvenirs
Datte: 17/02/2021,
Catégories:
Entre-nous,
Hétéro
Auteur: Kentin, Source: Hds
Je me souviens, maintenant. A cette époque, mon regard se situait à un mètre de hauteur. Le monde m’apparaissait incroyablement grand, les gens marchaient incroyablement vite pour mes petites jambes. Tout allait si vite, tout était nouveau, étrange. Ma seule bouée de sauvetage était la main de maman. Si chaude et pourtant si tyrannique quand elle me traînait à sa suite dans ces rues infinies qui se succédaient les unes aux autres.
-Voyons Kentin, arrête de traîner!
J’aurais tellement voulu m’arrêter devant ces vitrines aux détails étonnants. Mais il fallait toujours aller de l’avant. Nous sommes entrés dans un hall d’immeuble. Des boîtes aux lettres, un escalier, mais surtout le silence et la fraîcheur qui faisaient un contraste avec l’extérieur. Nous sommes montés. Un, deux, trois étages je ne me souviens plus, mais ce qui me revient c’est la rampe métallique de l’escalier, de sa peinture écaillée et aussi de mes doigts sur les barreaux verticaux qui produisait un son grave qui se répercutait dans la cage d’escalier. Maman frappa à une porte, doucement. Un homme lui ouvrit.
-J’ai emmené Kentin avec moi. Je n’ai trouvé personne pour le garder. Kentin, dis bonjour au monsieur.
-Bonjour monsieur.
L’homme portait une fine moustache. Il avait l’âge de mon père mais il était plus mince. Il m’embrassa sur la joue. Je n’aimais ni son contact, ni son odeur. Il sentait fort le tabac.
- Vous prendrez bien un café. Il se rendit à la cuisine.
- Ta maman et moi, ...
... nous avons à discuter. Voici, la chambre de Pierre, mon fils. Il n’est pas là aujourd’hui. Voici sa malle à jouet, si tu veux. Je peux aussi te mettre un dessin animé sur sa petite télé.
- Kentin, tu restes bien sage ici, mon chéri. Maman a à discuter avec le monsieur. Si tu es bien sage je t’offrirai une récompense.
Je me retrouvais enfermé dans cette chambre, assis sur le lit à regarder la télé, à jouer aux petites voitures ignorant ce qui se tramait à quelques mètres de moi. Seul, infiniment seul. Et je suis resté, cette fois là et les autres fois qui ont suivi. A chaque fois en sortant, maman me félicitait en me disant que j’avais été un grand et qu’elle était fière de moi. A chaque fois, elle m’offrait une petite voiture en guise de récompense. Le soir, je savais instinctivement que je ne devais rien dire à papa. Parfois, Pierre le fils du monsieur était là. Il était plus grand que moi, plus vieux aussi, j’aurais voulu être son ami, mais il m’ignorait ostensiblement. Quand il daignait me prêter attention c’était pour des jeux de force où il me dominait physiquement, il me serrait jusqu’à m’étouffer et je supportais cela sans pleurer, pour ne pas décevoir maman. Je n’ai jamais rien dit à qui que ce soit, j’ai pris cela sur moi. Je n’avais pas les mots pour mettre sur ce que je vivais. J’ai gardé précieusement dans une boîte les petites voitures alignées les unes contres les autres. Elles sont maintenant quelque part dans le grenier au dessus de notre chambre. Personne ...