L'île
Datte: 23/12/2020,
Catégories:
nonéro,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... elle, puis sur Rubben.
Mais Léane, vraiment, durant les deux premières années, avait été le juste prolongement de sa mère, traînant déjà un conséquent sac de tension en s’extirpant du vagin béant de Sophia. Une petite fille fine et tendue. Eczéma, cauchemars, sevrage calamiteux. Rubben était plus calme quoique partageant avec sa sœur ce regard soudainement lointain et pensif, et ce goût déjà affirmé pour une certaine forme de solitude que ne commandait pourtant pas leur jeune âge.
Le petit garçon, assis par terre en train de poser des cubes les uns sur les autres, les regardait d’un air ahuri. Karl l’attrapa dans ses bras, le fit aller et venir de haut en bas, provoquant des rires incontrôlés.
— Et toi aussi, tu viens avec nous mon bonhomme ! Toi aussi.
Léane ne dit plus rien mais son sommeil agité durant les nuits qui suivirent trahissait un questionnement intérieur évident. Un soir, peu de temps avant le départ, ils la regardèrent par l’entrebâillement de sa chambre.
— Quelle putain de surdouée ! s’extasia Karl en l’observant se contorsionner dans son petit lit.
— Tu doutes ? murmura Sophia.
— Un peu. C’est normal, non ?
— Non Karl. Il n’y aucun doute à avoir. Ce monde de merde va nous dévorer si nous restons ici. Tu as vu ces attentats à Bagdad aujourd’hui ? Ça peut recommencer ailleurs. Ici, comme il y a sept ans quand tout a sauté.
— Nous avons déjà eu cette discussion, dit Karl.
— Cent fois, admit Sophia en se frottant la nuque.
Ils rigolèrent ...
... un court instant.
— L’important, dit-elle, l’important c’est nous quatre. Il n’y a pas de doute à avoir. Je ne laisserai pas le doute s’installer chez nous.
La petite disait des mots dans son lit, des syllabes étranges. Une lune intérieure semblait illuminer son visage. Rubben remua à son tour. Très vite. Ouvrit les yeux, les fixa tous les deux et se rendormit aussitôt.
— Et nous n’en serons pas capables ici. Tu as vu ce petit connard de Joshua la semaine dernière, qui essayait avec ses doigts baveux de prendre le camion rouge de Rubben ?
— Si je l’ai vu ? déplora Karl en secouant la tête.
— Et ses parents qui ne disaient rien. J’en étais folle de rage. Le ver est déjà dans cette saloperie de pomme.
Elle leva vers Karl ses yeux clairs et durs.
— Arrête de jurer, sourit Karl.
Qui avait envie d’un Xanax soudain.
— Tout ça me file la nausée.
— Ça sera bientôt fini. Rien ne nous retient ici. Ni nos faux amis, ni mes parents. Je leur enverrai une lettre pour qu’ils comprennent. Ils la recevront après notre départ. Malgré toutes les roustes que j’ai reçues, j’en suis encore à me justifier. C’est dingue non ?
— Tu es un bon fils, sourit Sophia en lui caressant les cheveux.
Il fallut encore un peu de temps. Des détails qui venaient grossir d’autres détails. Des papiers, des subtilités locales que Sophia et Karl, fatigués, laissaient volontiers et pour un prix tout à fait excessif à leur ami et avocat Luiggi K. Qui les dissuadait encore et encore. Qui leur ...