1. Série blanche pour souris noire


    Datte: 08/11/2020, Catégories: fh, couleurs, policier, Auteur: Brodsky, Source: Revebebe

    Si j’avais été détective à New-York, vous m’auriez découvert sous les traits de Robert Mitchum dans le rôle de Philip Marlowe, ou ceux de Sam Spade. Si j’avais exercé à Hawaï, j’aurai eu la tête de Tom Selleck, et vous m’auriez appelé Thomas Magnum. Seulement voilà, je suis privé à Libreville, au Gabon, j’ai la tronche de Dany Glover, et je m’appelle Honoré N’Kono.
    
    Si j’étais Marlowe, vous m’auriez trouvé ce matin dans un rade, mal rasé, mal réveillé, en train de prendre mon troisième petit noir au comptoir. Mais là, je suis auCafé de La Liberté, mal rasé et complètement bourré, en train d’écluser mon troisième petit blanc.
    
    C’est ici que je reçois mes clients. Pas dans un bureau sans fenêtres avec un énorme ventilateur au-dessus la tête, ni dans une Ferrari en leasing, mais dans ce café pourri, parce que je n’ai pas une thune et que mes client me payent avec ce qu’ils ont : rien, ou des poulets, ou des bénédictions, ou des coups à boire.
    
    Un type vient d’entrer. Il porte un costard-cravate, ce qui détonne salement, ici. C’est lui que j’attends, forcément. Les gars qui viennent me voir croient que c’est important de se mettre sur leur trente-et-un pour exposer leurs affaires. J’y vois pas d’inconvénient. Je lui fais signe de la main.
    
    — Monsieur N’Kono ?
    — Oui…
    — Je suis Monsieur Mamba, c’est moi qui vous ai téléphoné.
    — Oui.
    — J’ai besoin de vous pour une affaire particulière…
    — Oui.
    — Ma femme, il faut que vous sachiez, elle a le démon.
    — Toutes les femmes ...
    ... sont des démons.
    — Non, elle n’est pas un démon : elle A le démon.
    — C’est-à-dire ?
    — Le feu au cul, là. Moi, j’ai un travail très important à la banque de Libreville. Je commence tôt et je rentre tard. Et le soir…
    — Oui ?
    — Eh bien le soir, la vaisselle n’est pas faite et le repas n’est pas prêt. Par contre, ma femme, je la retrouve toute pomponnée. Avec du maquillage partout, là. Alors je lui dis « Pourquoi la vaisselle n’est pas faite ? » ; « J’ai pas eu le temps. » qu’elle me répond. « Et le repas ? » ; « J’ai pas eu le temps non plus ! » ; « Qu’est-ce qu’on va manger alors, Valentine ? » ; « J’ai pas faim, qu’elle me répond, tu n’as qu’à aller au KFC. »
    — Hum…
    — Vous voyez, Monsieur N’Kono, moi je veux savoir ce qu’elle fait de toute ses journées, là !
    — Vous pensez qu’elle a un amant ?
    — Et pourquoi elle prendrait un amant, là ? J’ai plein d’argent…
    — Vous faites l’amour souvent ?
    — C’est à dire ?
    — Tous les soirs, toutes les semaines, tous les mois ?
    — Euh… tous les ans. Quelquefois deux ou trois fois par an.
    — Ça fait longtemps que vous êtes mariés ?
    — Ça va faire dix ans, là.
    — Hum… je vois. Et avant, elle s’occupait de la maison, elle faisait à manger ?
    — Ben oui… Elle faisait le ménage, elle faisait la vaisselle, elle faisait les repas…
    — Et vous ?
    — Moi, je travaille dur ! Je ramène beaucoup d’argent… Je ne peux pas tout faire.
    — Quel travail ?
    — Je suis le directeur financier de la banque.
    — Ah oui, je vois…
    — Je compte sur vous, Monsieur ...
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