Visite nocturne - Histoires de Sexe

Visite nocturne

... ce marivaudage dont Anita savourait tous les instants, sachant qu’ils seraient évanouis le lendemain. En effet, Marc Audebert avait appris à sa jolie cavalière, peu avant la fête, qu’il ne serait pas le successeur de Me Blüm, l’avocat dont il avait espéré prendre la suite, et qu’il devrait remonter sous peu à Paris. Anita avait donc compris que ce rendez-vous au bal serait leur seule et unique entrevue.

À présent, blottie contre son danseur dans la ruelle des Fontaines, elle observait le comte Desgrange avec inquiétude. Elle n’avait jamais aimé ce jeune noble vaniteux, suffisant et plein de mépris pour les autres. Et le voir frapper à la porte de la plus perverse des commères du village, que l’on venait aussi consulter comme sorcière, ne la rassurait pas. Son compagnon, lui aussi, contemplait Desgrange. Il n’avait pas oublié le visage angélique et hautain de son rival de l’université. Le retrouver ce soir dans ce petit village du Haut Livradois, alors qu’il avait appris que le comte serait sans doute le candidat choisi par Blüm pour lui succéder à Ambert, vraiment, la situation ne manquait pas de sel.

— Chez qui frappe donc ce cher Olivier ? souffla-t-il tout bas à Anita.

La jeune fille contempla Marc Audebert avec étonnement.

— Vous le connaissez ? chuchota-t-elle.
— Plutôt bien. Nous avons étudié à Clermont-Ferrand ensemble.
— Dieu du Ciel ! Il n’était pas votre ami au moins ?
— Pas du tout. Nous nous détestions cordialement.
— Le contraire m’aurait étonnée. ...

... Moi non plus je ne l’aime pas. Et ici, il a beau être chez lui, peu de Savinois le supportent. Il méprise les gens, leur demande toujours des choses impossibles. Tout le monde doit être à sa disposition dès qu’il est au château. Et là… il se rend chez une dame que tout le monde déteste.
— C’est une prostituée ?

Anita étouffa un rire de sa main et elle reprit tout doucement :

— Pas du tout. C’est une vieille fille aigrie, plutôt bigote, qui fait des choses… enfin… bizarres.
— Vous voulez dire une sorcière ? Non, ne me dites pas que le comte Desgrange croit au pouvoir de la magie !
— Je ne sais pas s’il y croit. Mais s’il se rend chez Marthe Rougier et surtout à une heure aussi tardive, c’est qu’il doit avoir des choses spéciales à lui demander. Et je n’aime pas ça du tout.
— Pourquoi ? La sorcière pratique la magie noire ?
— On le prétend. Et puis, elle a fait beaucoup de mal à plein de gens ici. Elle aime démolir les réputations.
— Vraiment ? Racontez-moi…
— Pas ici, miladiou, c’est trop dangereux ! Si cette mégère me voyait avec vous, je serais perdue définitivement.

Marc Audebert se tourna un instant vers la jeune fille avec amusement. Il était un peu tard pour qu’elle se soucie de ce genre de choses. Surtout blottie aussi tendrement contre lui.

— Que me proposez-vous alors ? murmura-t-il avec malice, enchanté à l’idée de prolonger la nuit en si agréable compagnie.
— Lorsque notre gêneur sera entré chez la sorcière, nous pourrons aller jusqu’à la grange ...