1. L'instant suspendu


    Datte: 30/09/2020, Catégories: ff, Collègues / Travail taille, intermast, Oral coupfoudr, fplusag, Lesbienne Auteur: Isilwen, Source: Revebebe

    ... apaisé ma peine.
    
    Sa voix est grave, monocorde. La grande Iris semble un corps sans vie. Je n’ai pas l’habitude de sa douleur. Elle la connaît bien, combien d’années qu’elle vit avec ? Mais pour moi, c’est nouveau, violent, brutal, odieux, insoutenable.
    
    — C’était notre ancienne chambre, et tu n’avais pas à y rentrer.
    
    Elle dit ça sur un ton froid, cassant, qui m’achève.
    
    Pourquoi m’avoir dit tout ça, à moi ? Je n’y suis pas préparée, je vis toute son angoisse en un instant. J’aurais tout donné pour ne pas avoir autant d’empathie et de surtout de sympathie.
    
    Je sens bien que cette douleur vit encore en elle. C’est ce que j’avais senti déjà auparavant, sans parvenir à mettre un nom sur cette souffrance.
    
    Des larmes roulent silencieusement sur ses joues, jusque dans son cou, et me déchirent.
    
    Elle me regarde. Mes tripes sont nouées, je veux qu’elle arrête de pleurer, elle fait pleurer mon cœur, je ne peux plus supporter sa douleur, je suis en colère aussi. De sa propre fureur.
    
    Je ne pense même pas à retenir mes propres larmes, j’en ai besoin.
    
    — Tu es belle quand tu pleures, dit-elle en sortant.
    
    Elle vient de me planter là, avec une fadaise cent fois écornée. Je suis clouée au sol, enfoncée dans la moquette jusqu’aux genoux par la peine. Pourquoi avoir fui comme ça ? Pourquoi se livrer à demi, me laissant sa douleur ?
    
    J’en suis là de mes réflexions quand elle réapparaît, fraîche, le champagne à la main :
    
    — On le boit ou on attend qu’il soit chaud ...
    ... ?
    
    Elle sourit. Et sur les lignes de ses lèvres, je lis qu’elle est désolée, qu’on repart du début.
    
    — Sers-nous et passe-moi la bouteille, que je la mette sur mon œil !
    — Tu pourras toujours expliquer que ton week-end SM a un peu dérapé !
    
    Et de nouveau ce rire éclatant, qui me plaît tant.
    
    On discute, on grignote, et on finit la bouteille sur le canapé. L’alcool m’aide à me détendre. J’ai un peu peur. Les femmes, c’est sensé être fini pour moi. J’ai longtemps cherché pourquoi elles m’attiraient autant. Je n’ai jamais trouvé. Mais j’ai appris pourquoi je ne pouvais être heureuse avec l’une d’entre elles.
    
    La conversation prend un tour plus sensuel, coquin, elle me questionne sur mes dessous, ma façon de m’épiler, mais indirectement. Elle tourne autour du pot. Je réponds, je la regarde, si elle flanche, je la suivrai, je le sens.
    
    Vient la question de nos âges. Elle la quarantaine, moi toute jeune, elle me dit qu’elle aime ma compagnie pour ma maturité, et j’aime la sienne pour son immaturité.
    
    Elle pose sa flûte sur la table basse :
    
    — Crois-tu que je sois trop vieille pour certaines folies ?
    
    Son regard est franc, il me transperce, elle lit en moi.
    
    — Et toi, penses-tu que je sois trop jeune ?
    
    J’ai dit ça sans la regarder, je ne peux pas.
    
    — À la minute où je t’ai vue en salle des profs, j’ai eu envie de toi, répond-elle.
    
    J’ai chaud d’un coup, très chaud. Ma flûte passe sur la table, Iris prend ma main, je lève le visage vers elle. Son regard est ...
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