Laura et les voisins - Histoires de Sexe

Laura et les voisins

... petit self que je connais, Laura ?
— Si tu veux.

Après tout, c’est reposant d’être avec un garçon asexué, bien que ce soit un peu rageant de voir qu’on ne lui inspire pas le moindre petit désir. C’est plutôt moi qu’il semble croire asexuée ! La preuve :

— Tu es comme une sœur pour moi, me dit-il en mangeant son museau vinaigrette. On se connaît depuis si longtemps ! Je peux bien t’avouer quelque chose : oui, je suis allé, la semaine dernière, avec la péripatéticienne qui m’a regardé ironiquement tout à l’heure.
— Ah, j’en étais sûre ! Sacré Jérémy ! Et… c’était bien ?
— Pas du tout ! Je savais qu’il fallait payer d’avance. Elle m’a dit que si lui donnais un petit cadeau en plus, elle se déshabillerait complètement. Moi je pensais que ça allait de soi. Elle a enlevé sa minijupe très vite, puis son slip et elle s’est accroupie sur un bidet. Sur le lit il y avait une serviette de toilette d’une propreté douteuse…
— Et alors ?
— J’ai foutu le camp. Écœuré. Pas par la serviette ! Tu vois, je ne ferai l’amour qu’avec la femme que j’aimerai.

Je ne suis pas la fille qui s’analyse de trop. Alors comment décrire ce que je ressens, dans ce self, devant mes carottes râpées et ce puceau si touchant ? D’abord une légère envie de rire, dont j’ai quand même honte, quelque part. Et un peu de pitié. Une autre envie : dévergonder ce pauvre garçon, jouer avec lui. Mais non, il ne mérite pas ça. En fin de compte, une immense tendresse, voilà. Et tant de regrets, parce qu’avec lui ...

... je ne me serais pas gaspillée.

Il s’ébroue, me sourit tristement et me regarde enfin dans les yeux :

— Toi, Laura, tu es une fille épanouie. Tu as toujours été tellement plus mûre que moi ! Dès la cinquième, tu flirtais avec les garçons des classes au-dessus.
— Mais qu’est-ce que tu racontes-là ? Jamais, jamais !
— Et les copains de ton frère ?
— Il ne s’est jamais rien passé avec les copains de mon frère.

Et voilà que soudain je n’ai plus envie de mentir.

— Enfin si, mais pas en cinquième, évidemment ! L’année dernière. J’étais majeure, si tu veux le savoir. Et ça a complètement foiré, et je suis frigide, alors…

Nous mastiquons en silence nos pommes sautées et notre escalope de dinde. C’est pas bon mais j’ai d’autres soucis en tête. Si je disais à Jérémy que j’ai envie de lui, il me prendrait pour une folle, et pourtant… Être la première, celle qu’on n’oublie jamais. Avec ses idées saugrenues, il doit la vouloir pucelle. Il a pourtant dit :femme, et pasjeune fille… Cela compte si peu, ce que j’ai pu faire avant ! Mais enfin, puisqu’il a suivi cette péripatéticienne, comme il a dit si drôlement, c’est bien parce qu’il voulait la baiser, non ?

La nuit n’est pas encore tombée quand nous quittons le self. Je vais regagner ma chambre, seule. Quelle tristesse !

— Il y a quelque chose d’illogique dans ce que tu m’as raconté, Jérémy. C’est après avoir quitté ta pute que tu as pensé que tu ne ferais l’amour qu’avec la femme dont tu serais amoureux. Avant, tu ...