1. Contagion


    Datte: 31/07/2020, Catégories: voyage, photofilm, nonéro, Auteur: HugoH, Source: Revebebe

    Chaleur de merde, souffla Elias en réprimant un haut-le-cœur.
    
    L’hélicoptère vira de cap comme une feuille au vent. Forêt dense. Compacte. Les pales faisaient frémirent la cime des arbres. Mais quels arbres ? Le guide hurla, Il y en a plus de soixante-quinze mille types. Puis ajouta, Et plus de cent cinquante mille espèces de plantes.
    
    C’était censé l’interpeller ? Ce genre de chiffres devait éveiller quelque chose chez lui ? Il hocha la tête en regardant la mer verte ployer sous les puissants rotors. Elias regarda à nouveau la carte que l’office lui avait fournie. L’Amazonie. Incompréhensible. La tendit au co-pilote, lui montra l’endroit cerclé de rouge. Encore. Un simple point.
    
    Quelques jours plus tôt, le patron de la compagnie de voyages avait dit, cinq cents. Et Elias lui avait tendu les billets. C’était un bon prix pour trois hommes et un hélicoptère. Ça valait l’investissement.
    
    Les deux gars devant portaient chacun un large casque, bardé d’électronique. Elias n’avait pu récupérer que des protège-oreilles qui ressemblaient à des écouteurs MP3 pour Yeti. Il avait l’air con, il s’en doutait et ce genre de considérations lui déplaisait. Même ici.
    
    Le guide affublé des mêmes esgourdes d’ourson ensanglanté se saisit de la carte à son tour. Il hurla, Bientôt, bientôt avec un méchant accent. Il crachait régulièrement par la porte ouverte de l’appareil. Il disait, Guaranis, Chimanes, Aguarunas, Piaora, Maku. Elias grimaçait, chaque nom semblait nouveau pour lui. ...
    ... Chaque mot l’était.
    
    Le guide parlait. Le guide parlait trop. Elias jouait avec son appareil, réglait son zoom, ajustait le fleuve quand les branches des arbres voulaient bien le dévoiler. C’était une saignée, une cicatrice profonde sur la joue de la forêt. Le ciel s’y reflétait puis disparaissait sous les feuillages.
    
    L’hélicoptère se cabra sèchement. Bordel, mais ils font quoi ces cons ? hurla Elias au guide. Ils cherchent, qu’est-ce que tu crois qu’ils font, cabrao. Elias fit la moue. Tous aussi malpolis les uns que les autres dans ces putains de régions. N’aimait pas ce pays. Puissance émergente. Dos mouillés / Cannes à sucre. On pouvait mourir de bien des façons ici. Et depuis deux mois qu’il était là, ce zoom qu’il était en train de régler avait bien failli lui coûter sa peau à quelques reprises.
    
    Il travaillait free-lance. Avait des contacts dans pas mal d’agences. Faisait des photos / Voilà ce qu’il faisait. Du terrain. Il parcourait le globe, se colletait les endroits chauds. Le bébé sur les décharges de Mexico. Les tueries de Bagdad. La fillette aux quatre jambes et quatre bras en Inde. Les meurtres d’Albinos en Tanzanie. Les longues files de sidaïques devant les tentes des humanitaires au Botswana. Ce genre de choses.
    
    Voilà ce qu’il faisait. Depuis si longtemps qu’il en avait oublié l’idée même d’un chez soi. Tout ça, toute sa vie d’avant, avait disparu dans les kilomètres de pellicules. Les agences le connaissaient, on le payait bien. C’étaient des clichés ...
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