Say'in my song - Histoires de Sexe

Say'in my song

... Le compositeur tente de résister au fou-rire qui le gagne, se cache dans ses mains, dans son mouchoir. Il n’en doute pas, la production en fera un moment un moment d’anthologie. Le dernier accord meurt, la jeune femme salue sous les ovations. Le présentateur reprend :

— Je vous vois très ému, Marc.
— Très.
— Je vous en prie, prenez le temps de vous remettre.

Il a l’air si sérieux, avec ses yeux de bon chien, que le compositeur s’esclaffe pour de bon. Il bafouille :

— C’est l’émotion.
— Oui, oui, bien sur, je comprends, s’empresse de répondre le speaker, gagné par la panique et par un début de fou rire.

Il boit une rasade d’eau pétillante pour endiguer les symptômes, s’étrangle, tousse, devant un Marc Hevene qui maintenant pleure, de rire. Il n’y a rien à faire qu’attendre.

Quand ils reprennent leur sérieux, le réalisateur capte la larme qui roule sur la joue de l’invité. Tout est prêt pour la belle histoire.

On enchaîne, les succès cinématographiques – miraculeux, commente Marc - le crooner, interprète deParis-sous-Myse, et Vickie.

Vickie en robe printanière, qui chanteLe noyau de cerise sans en rajouter. Vickie qui s’assied, répète ce qu’elle a toujours dit, les yeux dans les yeux de Marc, Vickie qui flirte gentiment avec le présentateur, avec la caméra. Vickie qui n’a pas, vraiment pas, besoin de lui.

— Elle est merveilleuse, pérore le présentateur.

Il s’étonne du silence. Marc est comme prostré, entré en lui-même.

— Elle reviendra dans ...

... la deuxième partie de l’émission, où nous ferons la connaissance de la nouvelle interprète de Marc, Cendrine Vetlana. Mais d’abord, la promotion.

Il reste figé face caméra, sourire commercial vissé aux lèvres. Puis se dégonfle, brusquement.

— Ça va, monsieur Evegni ?

Hors antenne il est nettement moins familier. Presque servile. Le compositeur secoue la tête, se lève.

— Je crois que j’ai besoin d’une pause. C’est possible ?
— Bien sûr, bafouille l’animateur vedette, soulagé de pouvoir souffler un peu.

Joachim traverse le plateau, dans un état second. Croise Cendrine.

— Ça va ? Tu as l’air d’avoir vu un fantôme.

C’est la dernière personne qu’il a envie de voir, mais il fait bonne figure. Il arrive à rire.

— Presque. Et toi, ça va ?

Son doigt court, caresse l’oreille de la jeune femme, descend lentement sur la joue, le menton, le cou, pour s’arrêter in extremis au bord du décolleté sage que porte la chanteuse. Elle l’embrasse fougueusement, s’exclame :

— Merde, mon rouge à lèvre ! puis glisse doucement sa joue sur le visage de Marc, murmure : ça va aller, tu sais. Elle s’enfuit vers sa loge.

L’homme la suit du regard, conscient qu’il devrait, à ce moment, l’aider à lutter contre le trac. Mais quoi qu’il fasse, il ne peut pas penser à elle. Il a gardé, comme s’il était encore devant, l’image de son interprète. Différente. Radicalement différente. Et il en est bouleversé.

Il entre dans sa loge, résiste à l’appel de la flasque qui dort dans sa ...