Rêves et Bifurcations
Datte: 11/07/2020,
Catégories:
nonéro,
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... par deux grands oreillers, Eva prenait son premier vrai repas : un bol de café et des tartines, le tout posé sur un plateau dont je surveillai du coin de l’œil l’équilibre précaire. Son appétit faisait plaisir à voir, néanmoins je n’étais pas parfaitement à l’aise.
Quelque chose dans son attitude me préoccupait. Eva n’avait toujours pas posé la moindre question sur l’enfant mis au monde. Pas une seule allusion à notre bébé, pas un mot sur l’opération. Le blocage complet. Peut-être n’était-elle pas encore prête à affronter ce traumatisme-là ?
Soudain intimidée par mon regard, elle remonta le drap sur sa poitrine dénudée, avant de fermer les yeux et rester si longtemps sans rien dire que je finis par la croire endormie. Je m’apprêtais à débarrasser le plateau pour la laisser se reposer lorsqu’elle me demanda :
— Je suis vraiment restée inconsciente tout ce temps là ?
— Oh oui ! Si tu veux savoir, ces dix journées ont été les plus longues de toute ma vie !
— Je voulais te dire… Durant mon « coma », j’ai vécu une expérience totalement dingue. Tellement dingue que je n’arrive même pas à trouver les mots pour en parler, fit-elle avec un regard en coin.
Intrigué, je rapprochai mon fauteuil.
— Eh bien, si ça te dit, tu peux toujours essayer. À moins que tu préfères d’abord reprendre des forces ?
— Non, ça va. C’est juste que… je ne sais pas comment t’annoncer ça. Tu vas me prendre pour une barjo. Pourtant il faut que tu me croies, Alain. C’est ta dernière ...
... chance…
— C’est quoi, cette histoire ? fit-je, avec un rire nerveux. Tu as la preuve que Dieu existe ? Il y a une vie après la mort et les Anges t’ont mis en garde sur mon salut éternel ?
— D’une certaine façon c’est presque ça…
Je m’apprêtais à exploser de rire lorsque je m’aperçus qu’Eva était mortellement sérieuse. D’une gravité à vous donner froid dans le dos.
— Que penserais-tu si je te disais qu’on nous observe ?
— Que t’es complètement barrée ! Sauf si tu peux me montrer les caméras qui nous filment…
— Qui te parle de caméras ? Ils n’ont pas besoin de ça pour voir tout ce qui se passe ici !
À peine esquissé, mon sourire se figea instantanément.
— Attends ! Qui ça, « Ils » ? Mais de qui tu parles, bon sang !?
— T’es pas prêt à accepter ce que je pourrais te dire, n’est-ce pas ? Ils m’avaient prévenue que ça ne servirait à rien. Mais je suis revenue quand même… Pour que tu saches…
— MAIS QUE JE SACHE QUOI, BORDEL ?!
Le ton de colère dans ma voix dut l’effrayer car elle détourna les yeux, ce qui ne l’empêcha pourtant pas d’énoncer la phrase la plus délirante de toute :
— La troisième guerre mondiale n’a jamais eu lieu, Alain !
Je me sentais nauséeux, comme quelqu’un à qui l’on vient d’annoncer une très mauvaise nouvelle, du genre :« mon pauvre vieux, ta copine, c’est pas une mauvaise blague qu’elle te fait ; elle est vraiment folle à lier ! ».
ooOOoo
À force de persuasion, Eva avait accepté de prendre un sédatif. Pour l’instant elle dormait, ce qui ...