Rêves et Bifurcations
Datte: 11/07/2020,
Catégories:
nonéro,
sf,
Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe
... problème, pensais-je, c’était tout ce sang qu’elle avait perdu. Et ce n’était pas une perfusion de plasma toutes les quatre heures qui pourrait y changer quoi que ce soit !
Nous avions bien songé à l’autotransfusion, en vue de l’inévitable échéance, mais il y avait trop de risques à conserver des poches de sang complet mal conditionnées. Et pour tout arranger, nos groupes sanguins n’étaient pas compatibles…
Au fil des heures, l’accumulation de la fatigue et du découragement avait laissé libre cours aux doutes. Le troisième jour, je m’étais forcé à quitter l’abri pour ensevelir notre fils.
Durant une heure et demie, je m’étais évertué à défoncer la terre gelée, dégoulinant de sueur dans ma tenue de cosmonaute. À bout de force, j’avais fini par abandonner la lutte, balançant ma pelle sur un tas de gravas. La tranchée que j’avais creusée ne faisait qu’un mètre de profondeur pour environ 60 cm de large.
Ce fut alors le moment le plus pénible : descendre le couffin au fond de la cavité, avec pour dernier adieu le sifflement rauque de ma respiration dans le heaume de plexiglas. Un berceau en guise de cercueil, quoi de plus logique dans un tel monde de mort ?
Levant un poing ganté, je m’étais alors surpris à maudire ce soi-disant mec dans le ciel, pour tout ce qu’Il nous avait fait. Une imprécation d’une futilité absolue. Puis, sans me soucier des larmes qui brouillaient ma vue, j’avais recouvert de terre la tombe du dernier enfant d’Île de France.
Une fois ma ...
... tâche accomplie, un terrible sentiment de solitude s’était abattu sur mes épaules. Sans me retourner, j’avais rejoint au pas de course le puits d’accès de notre propre crypte. Il était temps pour moi de m’enterrer à mon tour…
ooOOoo
Le miracle intervint le neuvième jour. Si tant est que l’on puisse qualifier ainsi la folie qui s’empara de nos vies. Le moment exact ? Alors que j’humectai les lèvres gercées d’Eva avec un linge humide, peu après le petit-déjeuner. Le mien forcément. De son côté, elle en était toujours au régime par intraveineuse des abonnées absentes.
Je venais de refaire le lit. Sa chevelure noire était répandue sur l’oreiller comme la couronne mortuaire d’une dormeuse sans rêves, ses bras nus reposaient sur la toile tendue du drap. Depuis des centaines d’heures, son visage affichait la même expression, le masque impassible d’une squaw sous anesthésie générale.
Penchée sur elle, j’imbibais d’eau les craquelures de sa bouche lorsque tout d’un coup, elle chuchota :
— Je suis revenue, Alain. Je suis revenue….
Sa voix n’était qu’un murmure, pourtant je l’entendis aussi clairement que si nous communiquions par télépathie. La gorge nouée par l’émotion, des larmes cascadant sur mes joues mangées de barbe, je fus incapable de répondre. Je pleurai ainsi un long moment, un très long moment, tandis qu’Eva serrait doucement mes mains entre les siennes.
Ce fut une véritable résurrection ! Quelques heures plus tard, à demi-assise dans le lit, le dos calée ...