1. Tous pour une


    Datte: 30/06/2020, Catégories: historiqu, Auteur: Pierre Siorac, Source: Revebebe

    La salle de bal du palais du Louvre était dans une effervescence totalement inhabituelle. En ce mois de mai 1648, le Mazarin que l’on ne connaissait pas si prodigue, offrait un somptueux bal masqué en l’honneur de la reine et du petit roi.
    
    Tout n’était là que prétexte, évidemment, comme toujours avec l’Italien. Il s’agissait en les réunissant en un même endroit de recevoir de manière non officielle, tout ce que le royaume comptait de ligueurs et de nobles fidèles au parti du Premier ministre et de montrer ainsi aux princes frondeurs que si Paris semblait acquis à leur cause, les provinces, elles, ne l’étaient pas. Il s’agissait, en outre, de faire fléchir les plus faibles d’entre eux et, à l’aide de cajoleries et de promesses, de les amener à changer de camp. Il fallait bien gagner la guerre contre l’Espagne, et pour ce faire, il fallait bien lever de nouveaux impôts et faire fléchir le parlement de Paris. Et la noblesse frondeuse s’y opposait… prétendument au nom de peuple.
    
    Lissant sa fine moustache et souriant à tous, comme à son habitude, Mazarin se disait amèrement que c’était bien la première fois que les privilégiés s’inquiétaient du sort des petites gens.
    
    Tout ce que le royaume comptait de gens célèbres était présent. Le prince de Beaufort, le cardinal de Retz, le duc et la duchesse de la Rochefoucauld, le prince de Conti, le prince de Condé, la duchesse de Longueville, mais également des artistes, des poètes, et bien d’autres, tous portant masques et ...
    ... déguisements, ce qui certes rendait toute identification compliquée, mais allait permettre aux entretiens que le Mazarin se promettait d’avoir, toute la discrétion voulue. Quant à la sécurité des lieux, elle avait été confiée à la garde des mousquetaires gris, sous le commandement du lieutenant d’Artagnan.
    
    D’Artagnan justement déambulait tranquillement dans la salle, entre les groupes qui se formaient tout en laissant traîner ses oreilles un peu partout afin de reconnaître les invités. Une voix rocailleuse et bien connue l’interpella soudain :
    
    — Ventre-saint-gris, d’Artagnan, toujours à me surveiller !
    — Rochefort, vieille canaille ! Vous faites partie des invités ?
    — Eh oui… Un peu malgré moi, je dois bien avouer… Venez, isolons-nous un peu…
    
    Après une fraternelle accolade, propre aux gens d’honneur que les aléas de la vie opposent sans qu’ils puissent se haïr vraiment, les deux anciens ennemis se mirent un peu à l’écart des autres.
    
    — Alors, Rochefort… qu’est-ce qui vous amène au milieu de ce repère de loups ?
    — Le Mazarin lui-même…
    — N’aviez-vous pas pourtant juré de le tuer de vos propres mains ?
    — Et mon serment tient toujours… Mais ne sortez pas tout de suite votre lame, je ne ferai rien ce soir. Cette hyène m’a fait sortir ce matin de mon cachot de Vincennes pour complaire à son futur ami le duc de Beaufort.
    — Diantre… Beaufort et le Mazarin ensemble…
    — Disons qu’il s’agit des prémices d’une longue négociation…
    — Qui va durer longtemps…
    — Au moins jusqu’à la ...
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