Madame Bovary revisitée
Datte: 11/06/2020,
Catégories:
fh,
forêt,
amour,
pénétratio,
init,
exercice,
pastiche,
Auteur: Laure Topigne, Source: Revebebe
... la lubricité d’un lecteur contemporain assouvie. Franchement, j’en doute. Entendez cette phrase : « L’homme jusqu’alors si prévenant s’empara d’elle avec une fougue brutale insoupçonnée et elle l’en gratifia en distillant les larmes abondantes d’un divin plaisir. »
Elle est presque aussi creuse que ne l’était le blanc de Flaubert, empreinte certes d’allusions suggestives mais tout aussi dénuée de détails et de révélations explicites. Pour pallier cette dérobade, je vous propose de lui substituer ce qui suit :
Cela vous convient-il mieux ? Je crains que « L’épieu de chair roidi vint masser sa peureuse déhiscence qui s’ouvrit tel un fruit mature, épanchant des nectars onctueux. » ne reste bien trop générale et abstraite, subsumant des actes et des outrances qui vaudraient d’être précisés. Selon le même traitement je vous propose de le convertir en :
— Ce que je viens d’appliquer à des phrases par deux fois peut évidemment s’étendre à chaque mot. Dites-moi donc ce que vous entendez par « émois » ? La récurrence est ouverte sans fin, tant la subtilité du sentiment est à la raideur des mots revêche. Voici un blanc en quelques 2500 vocables développé, ce qui ne représente pas grand-chose par rapport à ce que savent faire les religions, il est vrai, à des sujets plus graves attelées.
— Là je t’arrête, intervient Annaëlle, il faut que l’amour conserve son mystère ; et bien qu’ayant suivi tes élucubrations avec délectation et attention, je me demande présentement si le ...
... blanc de Flaubert n’en était pas, tout compte fait, la meilleur expression.
— J’attendais si fort ta remarque que dans une prolepse j’aurais dû y répondre. Tu ne m’as, je crains, que fort distraitement écouté. Dès le départ j’ai bien insisté sur le fait que l’amour n’est pas le moteur essentiel de cette relation et qu’ils cèdent tous deux à d’autres convoitises. On pourrait comprendre que l’auteur décide de ne pas « salir » un moment éthéré et céleste qui ne relève que de pure passion, mais il n’en est rien ici, et c’est ce que j’essaye de montrer tout au long du texte que je viens de lire. Quant au mystère que tu évoques, voilà en effet bien grands mystères que ceux de l’amour. Ils sont si mystérieux que la pauvre tant que la riche, la sotte tant que la femme de génie, la rustre tant que la plus raffinée ne les aient ressentis, à la seule condition toutefois de s’y être adonnées. Et le mystère d’un lever de soleil sur une plaine embrumée peut-il plus aisément se circonscrire ? Celui des avidités d’un jeune Rastignac ou des états d’âmes d’une Madame de Rênal prête à convoler dans les bras du jeune précepteur de ses enfants sont-ils moins énigmatiques ? Peut-être, après tout, qu’il aurait mieux valu laisser toute la triste histoire de cette Bovary dans l’ombre de son mystère. Peut-être qu’à chacun de ses éléments on peut suppléer par un blanc plus approprié, c’est en tout cas ce qu’estima la censure de l’époque. Et ensuite, si nous y substituons ainsi des blancs, il ne restera ...